dimanche 19 février 2017, 09:39

Marta se raconte pour son anniversaire

La discrimination, les préjudices, les échecs et les contretemps, Marta a su en faire les principaux moteurs de sa carrière. A l'occasion de son anniversaire, le 19 février, elle partage avec nous quelques clés de sa réussite. (interview réalisée en 2017)

Elle devait avoir huit ou neuf ans lorsque, au moment de souffler les bougies, son objectif lui est apparu clairement : devenir footballeuse professionnelle. Un rêve tout ce qu’il y a de classique pour un enfant de son âge, mais totalement insolite pour une Brésilienne il y a 20 ans.

En effet, même si cette fillette l’ignorait, le football était alors une affaire d’hommes. La vie s’est chargée à de nombreuses reprises de lui marteler ce principe, mais elle n’a jamais voulu entendre raison et aujourd’hui, Marta fête ses 31 ans avec la satisfaction d’avoir concrétisé son rêve d’enfance malgré de nombreux écueils. "Quand j’étais enfant, j’ai vécu plusieurs situations de discrimination. Mais j’ai toujours su les gérer de façon positive. J’en ai fait une affaire personnelle qui me poussait à atteindre mes objectifs et démontrer mes capacités", souligne-t-elle au micro de FIFA.com.

Les difficultés Née à Dois Riachos, petite ville de 10 000 habitants, Marta n’a pas bénéficié du soutien de sa famille, qui ne voyait pas forcément d’un bon œil qu’elle aille gratter des ballons dans la rue. "Le football est largement considéré comme un sport masculin, mais moi je leur dis que ce n’est pas le cas, que le sport est là pour nous apprendre l’inclusion sociale et l’égalité des sexes. Ce genre de préjugés n’a plus sa place aujourd’hui. Il faut que tout le monde ait la possibilité de démontrer ses qualités et son talent, quel que soit son sexe".

Du talent, Marta en a à revendre, tout comme de la force de caractère. Il en faut pour ne pas baisser les bras quand on caresse un rêve que tout le monde cherche à vous interdire. "Mais je n’avais pas l’intention de plier", assure Marta, qui reconnaît volontiers sa ténacité. "Ça n’a pas été facile. Je suis partie en Suède à 17 ans et j’y ai passé cinq ans. Ensuite, j’ai senti que le moment était venu de changer d’air, de découvrir un nouveau pays, et je suis partie aux États-Unis. Mais ça n’a pas été facile non plus. J’avais un contrat de trois ans avec la ligue, mais mon club a fermé à l’issue de la première saison. J’ai donc rejoint un autre club, qui a décroché le titre et mis la clé sous la porte dans la foulée pour des raisons économiques..." se rappelle-t-elle. "J’ai donc changé encore d’équipe, puis j’ai regagné la Suède… J’ai toujours dû surmonter des difficultés. Mais il était hors de question de faire machine arrière. Je voulais aller de l’avant et utiliser toutes les armes possibles pour rester motivée et ne jamais baisser les bras. Et je ne les ai jamais baissés !"

Aujourd’hui Marta, élue cinq fois Joueuse mondiale de la FIFA, fait partie des icônes mondiales du football féminin. Et même si les choses sont devenues un peu plus simples pour toutes les fillettes qui veulent taper dans un ballon, elle ne modifierait pour rien au monde son parcours. "J’aime tout ce que j’ai eu à vivre. Je pense que ça peut servir d’exemple pour toutes les filles qui commencent aujourd’hui leur carrière. Je ne regrette pas que ma carrière ait commencé à cette époque. Tout le travail que ma génération a fait a servi à faire avancer les choses. Ça a permis d’en arriver là où nous en sommes et de préparer un avenir meilleur", explique la sociétaire du club suédois de Rosengard.

Les défis à venir Cela fait 20 ans qu’elle y pense, à cet avenir meilleur. On peut toujours améliorer les choses, elle en est convaincue. "Le football féminin est beaucoup plus développé, c’est certain. Professionnellement, l’éventail des choix s’est élargi. Il y a davantage de marchés : l’Europe, l’Asie, les États-Unis… Mais j’aimerais que le football féminin soit plus compétitif, qu’il y ait moins de discrimination et de préjugés", insiste-t-elle avant de préciser : "Je veux qu’il y ait davantage de pays avec des championnats bien organisés, des clubs qui proposent des opportunités, une structure dédiée qui permette aux femmes désireuses de passer professionnelles et d’intégrer leur équipe nationale de se préparer au mieux, de bénéficier des meilleures conditions".

Elle n’hésite d’ailleurs pas à livrer un conseil très clair à l’attention des filles qui partagent son rêve d’enfance. "Aujourd’hui, il y a encore des obstacles, mais c’est un peu plus facile qu’à l’époque. Il faut donc en profiter à fond et aller au bout de ses rêves en faisant confiance au travail que l’on fait jour après jour".

À 31 ans, il lui reste encore des rêves. Ou plutôt des cases à cocher… "Le football est une passion nationale au Brésil. C’est une religion. Pour les Brésiliens, seuls les titres comptent. Dès qu’on ne monte pas sur la première marche du podium, le résultat n’a plus d’intérêt, plus aucune valeur. C’est une attente très difficile à gérer pour les joueuses brésiliennes. Dans d’autres pays, une médaille de bronze ou une quatrième place sont reconnues, mais pas au Brésil", explique celle qui possède déjà deux médailles d’argent olympiques et disputé une finale mondialiste il y a dix ans.

"Cela me motive énormément d’aller chercher un titre avec l’équipe nationale, que ce soit en Coupe du Monde ou aux Jeux Olympiques", explique la meilleure buteuse de la Coupe du Monde Féminine. "Dans une autre discipline, une médaille olympique déclenche forcément une énorme fête. Au foot, l’argent équivaut à une défaite. Et nous, nous en avons décroché deux", poursuit-elle, ruminant encore les finales perdues en 2004 et en 2008 contre les États-Unis. "Mais nous allons encore travailler dur pour atteindre notre objectif, qui est de gagner des titres".

Les petites choses Si le football lui a refusé un sacre sous le maillot qu’elle chérit le plus, l'optimiste Marta préfère se centrer sur les grands moments qu’elle a pu vivre. "Gagner le prix de Joueuse mondiale… C’est difficile d’expliquer ce qu’on ressent à ce moment-là sur la scène. Toute la reconnaissance et l’affection que j’ai reçues au cours de ces années sont non seulement une source de joie mais aussi une motivation pour repartir au combat".

Il y eut aussi ce coup de fil de l’une des grandes icônes du football mondial et brésilien : "Oui, j’ai un jour reçu un appel de Pelé, qui voulait me féliciter. On avait un peu discuté, même si au début je pensais que ce n’était pas lui ! J’ai même pu le rencontrer personnellement. C’était un plaisir et une énorme émotion…"