jeudi 30 mars 2017, 09:22

Boban et Goran se renvoient la balle

• En photo, le geste de soutien des demi-finalistes envers un Goran Ivanisevic démoralisé • La Coupe du Monde et Wimbledon ont fait de 1998 une année magique pour la Croatie • Zvonimir Boban évoque ce geste et son amitié avec le célèbre joueur de tennis

Les joueurs croates sur cette photo s’apprêtent à disputer le match le plus important de leur carrière. Pour sa première participation à une Coupe du Monde de la FIFA™ en tant que nation indépendante, la Croatie s’est hissée dans le dernier carré. Quelques secondes après ce cliché, les Croates vont affronter le pays hôte pour une place en finale.

Pourtant, en cet instant ô combien historique, ils décident de ne pas penser à eux, ni à leur pays, ni même à l’âpre combat qu’ils s'apprêtent à livrer. Ils préfèrent focaliser leur attention sur un autre sport en rendant hommage à l’un de leurs compatriotes qui, comme eux, a fait la fierté de la Croatie durant l’été 1998.

Si les footballeurs croates se montrent éblouissants en France, Goran Ivanisevic est, quant à lui, en train d’enflammer Wimbledon. Improbable au départ, le doublé devient possible. Le tennisman déclare d’ailleurs à l’époque : "Si ça arrive, je crois que tous les Croates seront ivres pour le reste de l’année… y compris moi-même et l’équipe nationale !" Son rêve ne se réalisera malheureusement pas. Comme lors de ses deux finales précédentes à Wimbledon, Ivanisevic voit ses espoirs s’envoler. Face à la tristesse de leur compatriote, les footballeurs croates décident de lui témoigner leur soutien et leur respect.

"Goran est quelqu’un de très populaire en Croatie, tout le monde l’adore. En 1998, quand il a fini deuxième à Wimbledon pour la troisième fois, le pays tout entier a partagé sa douleur,"  raconte au micro de FIFA.com Zvonimir Boban, pion majeur de l’équipe de 1998. "En lui disant 'Merci Goran', nous voulions lui montrer que nous étions à ses côtés et qu’en tant que sportifs, nous étions extrêmement fiers de lui".

Cette marque de soutien produit l’effet escompté. Ivanisevic avait perdu tout espoir, persuadé (à tort) qu’il ne remporterait jamais le prestigieux tournoi londonien. Un journaliste a bien tenté de lui redonner le moral en l’interrogeant sur la victoire 3:0 de la Croatie contre l’Allemagne en quart de finale, mais le géant croate tient des propos qui traduisent un abattement extrême : "Je suis incapable d’encourager quelqu’un en ce moment. Je ne peux que me suicider".

Le geste de Boban et ses équipiers lui rend tout de même son sourire caractéristique. Lorsque la Croatie s’incline de justesse face à la France, Ivanisevic tient absolument à se rendre sur place pour célébrer la troisième place historique décrochée par son pays quelques jours plus tard. "Goran est venu faire la fête avec nous. On s’est embrassé et il nous a remerciés", se souvient Boban. "C’était un moment très important pour notre pays et un geste symbolique de fraternité sportive et d’amitié."

Ivanisevic a lui-même été un footballeur prometteur. Il s’est même entraîné avec son club de cœur, Hajduk Split, avant d’opter pour le tennis, estimant avoir plus de chances de faire carrière dans ce sport. Il compte également parmi les fervents supporters de la toute jeune équipe nationale de Croatie, dont il connaît bien les joueurs.

Mais c’est de Boban qu’il est le plus proche. D’ailleurs, lorsque la légende de l’AC Milan met fin à sa carrière, à l’occasion d’un jubilé à Zagreb accueillant une pléiade de stars, c’est son ami de longue date Ivanisevic qui le remplace en fin de match. Le vainqueur de l’édition 2001 de Wimbledon marque sur sa première touche de balle. Il fête son but en faisant tournoyer dans les airs son maillot de la Croatie… Une belle façon de concrétiser un rêve qu’il caressait depuis longtemps.

Ivanisevic renvoie l’ascenseur à son ami Boban, en l’invitant sur un court de tennis à plusieurs reprises, même si les rencontres se révèlent compliquées à organiser. "Goran et moi sommes toujours de très bons amis. Malheureusement, ça fait quelques années que nous ne parvenons pas à trouver le temps de jouer au tennis ensemble", précise l’ancien footballeur, qui se consacre aujourd’hui pleinement à son rôle de Secrétaire Général Adjoint de la FIFA.

"Après avoir mis fin à nos carrières respectives, nous avons quand même beaucoup joué, mais dans certaines conditions : tous les jeux commençaient à 30:0 pour moi. Quant à Goran, il n’avait droit qu’à un seul service. Il pouvait faire des coups droits normaux, mais uniquement des revers coupés ! Pour le moment, je mène 7:6, donc je ne sais pas encore si je vais lui donner l’occasion d’égaliser !"

Le saviez-vous ?

Le maillot à damier rouge et blanc que Boban (et Ivanisevic, l’espace d’un instant) a porté avec tant de fierté est particulièrement visible dans "l’arc-en-ciel" des maillots d’équipes nationales situé à l’entrée du Musée du Football mondial de la FIFA.

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