samedi 23 juin 2018, 21:59

Kroos, le zéro devenu héros

  • Kroos offre la victoire à l’Allemagne in extremis

  • Sa passe ratée à l’origine du but suédois

  • "L’extase", jubile Marco Reus

De notre reporter d'équipe avec l'Allemagne, Steffen Potter

Toni Kroos n’est pas du genre à faire des grands gestes ou à s’époumoner. Le premier joueur allemand à avoir remporté quatre Ligues des champions de l'UEFA est un homme discret qui aime passer du temps en famille.

Mais après avoir sauvé la peau des champions en titre dans cette Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™ en marquant le but de la victoire face à la Suède sur coup franc dans les derniers instants du temps additionnel, le meneur de jeu allemand n’a pas pu contenir son émotion.

Il a couru vers le virage du Stade Ficht où étaient massés les supporters de la Mannschaft pour hurler sa joie, le poing brandi. Il a ensuite laissé libre cours à son bonheur et à son soulagement, au terme d’une soirée étouffante sur les bords de la mer Noire.

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En tribunes, les journalistes avaient déjà commencé à rédiger l’acte de décès de l’Allemagne et de son milieu de terrain. Comme face au Mexique, les champions du monde ont concédé l’ouverture sur un contre rapide, cette fois suite à une mauvaise passe de Kroos. Ironie du sort, le joueur du Real Madrid a justement construit sa réputation sur la fiabilité de ses transmissions...

Considéré comme l’un des meilleurs passeurs au monde, son improbable erreur résume à elle seule l’état d’une Allemagne aux portes de l’élimination. "Sur 400 passes, on finit toujours pas en rater une ou deux. Dans ce cas, il faut beaucoup de courage pour revenir sur le terrain en seconde période. Mais ça, malheureusement, personne ne s’en rend compte. Nous avons été très bons, mais nous n’avons pas réussi à profiter de nos temps forts. Dans l’ensemble, je crois que nous méritions de gagner", confiait le héros allemand à la presse à l’issue de la partie.

Les statistiques lui donnent raison : à la pause, il affichait un taux de réussite en passes de 95 %. Mais un mauvais ballon a bien failli tout gâcher. Le sélectionneur allemand était naturellement parmi les premiers à soutenir son joueur. "Je suis très satisfait de Toni Kroos. C’est vrai qu’il est à l’origine du but que nous avons encaissé, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Mais son coup franc était magnifique. Il méritait de marquer", estime Joachim Löw au micro de la FIFA.

Le technicien de 58 ans est évidemment habitué à prendre du recul. Dès le début du match, Kroos a beaucoup donné pour les autres : il a participé activement au pressing et récupéré de nombreux ballons. Au retour des vestiaires, il n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de réparer son erreur.

Il s'est démultiplié dans la moitié de terrain adverse et tenté plusieurs fois sa chance, même si la plupart de ses tirs ont été contrés par la défense suédoise. Kroos avait quelque chose à se faire pardonner. La rédemption est venue tardivement, mais elle n’en a été que plus intense. "C’était sûrement la dernière occasion du match. Quand il est acculé, il devient encore plus dangereux", assure à la FIFA Marco Reus, l’homme qui a décalé le ballon pour Kroos sur ce fameux coup franc. "Après ça, c’était l’extase. Je crois sincèrement que nous n’avons pas volé cette victoire."

À l’issue du match, les Allemands n’avaient pas seulement empoché trois points ; ils ont aussi retrouvé leur sens de l’humour. "Je lui ai crié dessus pour qu’il centre. Je peux vous dire que je n’ai pas fini d’en entendre parler dans les vestiaires", raconte Mats Hummels qui, blessé, a dû suivre le match depuis le banc de touche. Malgré ses douleurs cervicales, il s’est précipité sur le terrain pour féliciter ses coéquipiers.

La Mannschaft est toujours là. Il lui reste maintenant à gagner sa place en huitièmes de finale, en affrontant la République de Corée. Même si c'est à la dernière seconde.