vendredi 23 février 2018, 19:34

L'Uruguay parie sur le football féminin

• L'AUF veut professionnaliser le football féminin uruguayen • Elle a mis en place un programme de bourses destinées à la formation des entraîneurs • Le programme Forward de la FIFA est un élément clé de son financement

Patricia Cor a été l'une des premières footballeuses licenciées de la Fédération uruguayenne de football (AUF). Elle a fait ses débuts à 19 ans, a connu une carrière de 15 ans et a même aidé à créer deux clubs. À 41 ans, elle caressait un dernier rêve resté jusqu'ici hors de sa portée : apprendre à transmettre ses connaissances aux jeunes générations. Le programme Forward de la FIFA lui a permis de le réaliser.

L'AUF a dédié une partie du financement fourni par le programme au développement et à la professionnalisation du football féminin. Elle a ainsi octroyé une bourse à six entraîneurs, trois hommes et trois femmes, déjà en poste en club mais dépourvus du diplôme adéquat. Assistante technique au River Plate de Montevideo, Patricia est l'une des bénéficiaires.

"L'AUF entend développer et professionnaliser le football féminin à moyen terme", assure son président, Wilmar Valdez. Le programme Forward a contribué à l'intégration d'entraîneurs de clubs de football féminin dans les principaux centres de formation du pays. La qualification des encadrements techniques est une stratégie de base pour promouvoir le championnat local."

Partant de ce principe, la fédération a analysé la situation pour trouver le bon point de départ. "L'accueil par l'Uruguay de la Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA a porté le football féminin sur le devant de la scène. Nous avons étudié le terrain pour savoir qui étaient les managers ou conseillers techniques dans la branche amateur", explique Andrea Lanfranco, secrétaire générale exécutive de l'AUF.

"Nous avons constaté que certaines personnes s'investissaient à fond depuis des années, mais sans avoir bénéficié d'une formation" ajoute-elle. "Il nous a paru intéressant de leur donner la possibilité de passer le diplôme, afin qu'ils ne soient pas pénalisés par le nouveau système de licences."

En octobre 2017, la fédération a conclu un accord avec deux grandes associations d'entraîneurs du pays, l'IUACJ et l'AUDEF. Les six boursiers se forment aux licences C (football junior de 6 à 13 ans) et B (football amateur). Le président de l'AUDEF est Ariel Longo, sélectionneur de l'équipe qui disputera la Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA, Uruguay 2018. "Ici, c'est un concept neuf qui donne des résultats", se réjouit Lanfranco.

L'évolution • Le championnat féminin a vu le jour en 1996 en tant que compétition de football à 5 • Il est passé au football à 11 en 1997, avec 7 équipes en lice • Deux catégories ont été créées en 2016 : la division A (7 clubs) et la division B (8) • 2018 sera marquée par un record historique de participants : 10 dans chaque division • Il existe des tournois U-16 et U-19

Valentina Prego, présidente du Conseil du football féminin, met en perspective l'initiative soutenue par le programme Forward de la FIFA. "Il y a trois ans, 80 % des clubs ne disposaient pas de techniciens chargés du football féminin. Aujourd'hui, la plupart en ont, mais pas tous. Les fruits de l'investissement se verront à moyen terme, avec l'arrivée de nouveaux professionnels qui n'avaient pas les moyens de s'offrir une formation. Nous savons qu'en Uruguay, le football se pratique dans des infrastructures sportives qui ne sont pas toujours optimales. Les ressources humaines jouent donc un rôle clé."

Retombées et autres objectifs en vue Le projet a des retombées qui vont au-delà de l'aide financière. "Par un effet domino, certains sont venus suivre des cours sans avoir de bourse, mais avec l'appui de leur club ou de leur propre initiative. La volonté de progression a fait tache d'huile, comme nous l'espérions", se félicite Prego.

Il est également prévu de consacrer des fonds à la formation d'entraîneures en 2018, par le biais d'un programme national inédit. En 2017, on comptait seulement six techniciennes chez les seniors et les jeunes, sur un total de 21.

"Nous voulons renforcer la présence des femmes dans les différentes catégories du football et créer des opportunités en ce sens", affirme Prego. Elle préfère ne pas donner de détails, le projet étant toujours en "phase de coordination". Elle a simplement précisé qu'il s'agissait du "premier cours conçu exclusivement pour les femmes" et qu'elle souhaitait "le rendre le plus accessible possible aux candidates de tout le pays."

L'évaluation de la FIFA "La promotion des sections féminines fait partie des priorités de la FIFA. De nombreuses fédérations cherchent à accroître l'intérêt et la participation au football féminin. Ce type de projet revêt une importance capitale à cette fin," a souligné de son côté Jair Bertoni, directeur régional de la FIFA pour les Amériques. "Le programme Forward de la FIFA est un outil crucial, car il permet, entre autres, de former des entraîneurs à même d'assurer l'efficacité et la qualité du développement de cette discipline, qui peut ainsi continuer à progresser conformément aux exigences actuelles."

Bertoni juge l'engagement de l'AUF encourageant, en ce que "pour atteindre notre objectif, nous avons besoin des fédérations. Nous sommes heureux de mettre le programme Forward de la FIFA au service du projet de l'AUF, afin de faciliter l'accès au football féminin et de permettre la transmission de l'expérience et de la passion pour le jeu."

Pour lui, il ne fait aucun doute que la compétition phare des U-17 féminines, qui se déroulera en Uruguay cette année, motivera non seulement le pays lui-même, mais aussi l'ensemble de la région, à continuer d'investir et de déployer des efforts pour que toujours plus de joueuses et d'entraîneures puissent accomplir leurs rêves."