jeudi 01 septembre 2016, 16:33

Arnason voit l'Islande encore plus grande

"Ils n'iront pas loin dans cette compétition." Le moins que l'on puisse dire, c'est que Cristiano Ronaldo n'était pas été très inspiré ce jour-là. Alors que le Portugal et l'Islande venaient de se quitter sur un score de parité (1:1) au premier tour de l'UEFA EURO 2016, l'attaquant du Real Madrid n'avait pas de mots assez durs pour fustiger ses adversaires, qu'il jugeait "petits". Kari Arnason, lui, a accueilli ces paroles avec bonhomie. Il faut dire que le défenseur islandais sortait tout juste d'une rude bataille avec un triple FIFA Ballon d'Or visiblement frustré. Pour lui, les propos de Ronaldo sonnaient donc comme un compliment. "Ça me fait plaisir d'entendre ça. C'est la preuve que nous lui avons fait passer une mauvaise soirée."

Les Islandais ont continué à défier les pronostics en s'invitant en quarts de finale tout en se faisant beaucoup de nouveaux amis. S'il avait trouvé les remarques du Portugais "discourtoises", Arnason avait lui aussi quelques critiques à formuler au moment de quitter la France. Contrairement à ceux qui s'extasiaient devant le parcours de l'Islande, le défenseur a regretté le manque de rigueur de son équipe.

Alors que Heimir Hallgrímsson prépare les prochaines échéances contre la Croatie, l'Ukraine, la Turquie, la Finlande et le Kosovo dans la course à la qualification pour la Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™, Arnason assure que l'Islande n'a pas encore exploité tout son potentiel.

Kari Arnason, avec le recul, quel regard portez-vous sur l'UEFA EURO 2016 ? Personnellement, j'en conserve d'excellents souvenirs. Nous étions les seuls à croire en nos chances mais contre l'Angleterre, nous avons montré au monde de quoi nous étions vraiment capables. Auparavant, je me demandais si nous pourrions un jour donner la pleine mesure de notre talent. Si nous sommes sortis de ce groupe, c'est avant tout parce que nous avons défendu avec l'énergie du désespoir. Ce n'est pas dans nos habitudes. D'ordinaire, nous maîtrisons davantage nos matches. Notre collectif est mieux rodé et nous ne concédons pas autant d'occasions. La façon dont nous avons défendu durant la première mi-temps contre le Portugal ou face à l'Autriche ne reflète pas notre véritable personnalité.

En dehors du match contre l'Angleterre, avez-vous le sentiment que le public n'a pas vu votre vrai visage ? J'en suis persuadé. Nous sommes bien meilleurs que ça et nous l'avons prouvé tout au long des qualifications. Les Néerlandais, les Turcs et les Tchèques n'ont pas eu beaucoup d'occasions contre nous. De notre côté, nous avons toujours trouvé le moyen de marquer. Nous convertissons la plupart de nos occasions. Ça nous donne le sentiment de pouvoir marquer à tout moment. Nous en avons apporté la démonstration à chacune de nos sorties pendant l'Euro. En revanche, nous étions nettement plus efficaces en défense pendant les qualifications. Globalement, notre ligne de quatre a connu ses moments les plus difficiles en phase finale, notamment contre l'Autriche. C'était sans doute le match le plus dur de ma carrière. Mais les gens qui ont suivi cette rencontre et qui en ont déduit que l'Islande était une équipe qui défendait sur le fil se trompent complètement. Nous avons bien d'autres atouts. Peut-on en conclure que vous allez tout faire pour retrouver votre solidité défensive et votre emprise sur le jeu durant la prochaine compétition préliminaire ? Ça ne fait aucun doute. Nous allons également essayer de mieux conserver le ballon. Nous étions un peu nerveux pendant l'Euro. Personne n'avait envie d'être le premier à commettre une erreur. Normalement, nous faisons mieux tourner la balle et nous sommes capables de créer des brèches chez nos adversaires. C'est agréable de se dire qu'il reste encore beaucoup de domaines dans lesquels nous pouvons encore progresser, alors que nous avons déjà réalisé tant de choses.

Qu'avez-vous ressenti en voyant de nombreux spectateurs reporter leur attention sur vous ? C'était fabuleux. Nous avons même reçu des messages très sympathiques de supporters anglais après notre victoire. Ce n'est pas rien ! Je crois que tout le monde aime voir les outsiders bousculer la hiérarchie.

On se souvient que Cristiano Ronaldo avait eu des mots peu aimables à votre propos. Avez-vous pris un plaisir particulier à déjouer son pronostic ? Oui, c'était d'autant plus satisfaisant. L'un des meilleurs joueurs au monde a parlé un peu trop vite, c'est tout. Ses propos n'étaient pas très heureux et il nous a un peu manqué de respect. Au final, il s'est trompé. Nous n'étions pas favoris et nous nous trouvions face au futur vainqueur du tournoi. Il aurait dû s'en rendre compte. Qui plus est, nous avons marqué contre les Portugais et nous avons eu d'autres occasions. Nous ne nous sommes pas contentés de défendre pendant 90 minutes.

L'Islande peut-elle aller encore plus haut ? L'Euro 2016 marque-t-il le début d'un cycle ? Pour faire mieux qu'une qualification pour l'Euro, il faudrait valider notre billet pour la Coupe du Monde. Ce serait extraordinaire de prendre part à deux grandes compétitions internationales d'affilée. Ce sera dur car nous sommes tombés dans un groupe très relevé. Toutes les équipes ou presque peuvent prétendre aller plus loin et je ne vois aucun match facile, surtout en déplacement. Il en va de même pour les autres, évidemment. Je ne pense pas que nos adversaires aient hâte de venir à Reykjavik. Nous n'avons plus perdu chez nous depuis très longtemps. Nous allons débuter par un long voyage en Ukraine, qui va nous permettre d'entrer tout de suite dans le vif du sujet. Je pense tout de même que nous pouvons passer, surtout si nous continuons à gagner à domicile.

Vous allez devoir vous passer des services de Lars Lagerback, mais vous continuez en revanche avec Heimir Hallgrímsson, l'ancien sélectionneur adjoint. Comment l'équipe va-t-elle évoluer ? Heimir a joué un grand rôle dans notre parcours. Je ne suis donc pas inquiet pour la suite. En tant que joueurs, nous ne pouvons pas nous permettre de nous relâcher. Il va falloir construire en nous appuyant sur les fondations déjà mises en place. La pire erreur serait de chercher à réinventer la roue en nous détournant des ingrédients qui ont fait notre succès.

À 33 ans, vous imaginez-vous jouer en Russie et au-delà ? J'espère avoir l'occasion de prouver au sélectionneur que j'ai toujours ma place au plus haut niveau. J'ai envie de m'impliquer et je suis convaincu qu'il me reste encore plusieurs bonnes années devant moi.

Les joueurs à vocation défensive atteignent souvent la plénitude de leurs moyens à partir de 30 ans. Est-ce aussi le cas pour vous ? Je le crois, en effet. Chaque joueur est différent mais depuis que j'ai passé la trentaine, j'ai énormément progressé sur le plan défensif. Je suis passé professionnel un peu plus tard que les autres, ce qui m'a sans doute aidé. Les joueurs qui débutent à 16 ans ont plus de mal à maintenir leur niveau de performance sur le long terme. Le football professionnel est un rouleau compresseur. Les organismes sont mis à rude épreuve surtout chez les attaquants, à qui l'on demande de rester explosifs et affûtés. Les buteurs marchent beaucoup à l'instinct, tandis que les défenseurs s'améliorent avec l'expérience. À chaque fois que mon équipe prend un but, j'essaye d'en tirer une leçon. Tout ça aide à améliorer sa lecture du jeu et son placement. Ce sont des éléments cruciaux quand on devient moins rapide. Quand j'entre sur le terrain, j'ai le sentiment de n'avoir jamais été aussi fort.