vendredi 21 août 2020, 07:30

Batista revient de loin et vise haut

  • Edina Batista a dû relever de nombreux défis pour devenir arbitre

  • Elle a dirigé la demi-finale de France 2019 entre l’Angleterre et les États-Unis

  • Elle rêve d’arbitrer lors d'un grand tournoi masculin

Il est cinq heures du matin. La sonnerie du réveil d’Edina Batista, 19 ans, vient de se mettre en route. La jeune femme n’a pu dormir que quelques heures. Tout son corps la fait souffrir après une dure journée de labeur, et il va bientôt lui falloir passer à nouveau de longues heures à ramasser du terreau sous un soleil de plomb, pour le compte de la pépinière qui l’emploie.

"Normalement, la journée commençait à 6h30, mais le patron autorisait les personnes qui voulaient faire des heures supplémentaires à venir un peu plus tôt", explique Edina à FIFA.com. "Ce n’est évidemment pas un travail très bien payé. Il faut remplir beaucoup de sacs pour gagner de quoi vivre, mais j’avais besoin d’argent et j’étais prête à tout."

À quoi devait servir cet argent ? "J’ai toujours joué au futsal et au football", raconte la Brésilienne. "J’ai même représenté ma région en futsal. Malheureusement, c’est une région assez enclavée. Dans les années 1990, il était impossible d'imaginer devenir footballeuse. En 1999, un ami de mon père m’a proposé de tenir le rôle d’arbitre assistante dans un match amateur. J’ai tout de suite été conquise par l’adrénaline inhérente à cette fonction. Je savais que l’arbitrage était ma vocation."

Edina s'est inscrite à une formation, mais le stage était relativement cher et tout le monde lui a conseillé de renoncer. "On me disait que le football n’était pas fait pour les femmes. Mais moi, je ne voulais pas baisser les bras", se souvient-elle "Je suivais déjà des cours du soir pour devenir professeur d’éducation physique. La formation d’arbitre avait lieu l’après-midi. Il me fallait donc un travail qui commence tôt. La pépinière convenait à mon emploi du temps. Je me levais à l'aube, puis j’allais à ma formation et je filais aux cours du soir."

"Bien sûr, c’était épuisant mais à chaque fois que j’arrivais pour remplir ces sacs, je me disais : ‘Ça va me permettre de faire ce que je souhaite le plus au monde : arbitrer des matches de football’. Ça m’a pris pratiquement deux ans car tout coûtait beaucoup plus cher que je ne l’avais imaginé", précise-telle, "Il n’y avait pas que la formation. Il fallait aussi payer les déplacements. Parfois, nous devions faire 550 kilomètres juste pour un cours. Et ça, c’était tous les week-ends."

Encore des rêves à réaliser

Tous ces efforts trouvent leur récompense quand Edina commence à diriger des matches scolaires puis des rencontres au niveau amateur dans l’État du Parana. Parallèlement, elle poursuit ses études et sa formation pour devenir arbitre de la CBF. En 2007, elle pense tenir enfin sa chance. "Le directeur de l’arbitrage [e l’État m’appelle pour me dire que j’avais été choisie pour passer les tests physiques de la CBF", se souvient-elle. "J’étais folle de joie. J’avais énormément travaillé, au point d’être capable de passer également le test réservé aux hommes. Je savais que j’étais prête."

Mais Edina se voit alors proposer de devenir arbitre assistante, chaque État ne pouvant envoyer qu’un seul candidat pour le titre d’arbitre principal et deux candidats pour devenir arbitre assistant. "La place que je convoitais était déjà prise. J’étais terriblement déçue", assure-t-elle. Pire encore, l'année suivante, elle frôle la mort dans un accident de voiture. "J’ai passé quatre jours en soins intensifs. Mais le football m’a aidée à m’en sortir. Je n’avais qu'une idée en tête sur mon lit d'hôpital : diriger un match. Les docteurs m’ont dit que ça n’arriverait pas avant très, très longtemps. Mais trois mois après l’accident, j’étais de retour sur le terrain."

Il faut une intervention de sa collègue Neuza Back et une rencontre fortuite avec Sergio Correa, le président de la commission des arbitres de la CBF en 2014, pour que son talent éclate au grand jour. "Il m’a demandé pourquoi je voulais devenir arbitre", se souvient Edina. "Je lui ai répondu : ‘C’est tout ce que j’ai toujours voulu faire’."

On lui explique cependant que, puisqu'elle était déjà aspirante pour devenir arbitre assistante FIFA, elle allait devoir tout recommencer à zéro pour devenir arbitre principale. "Ils espéraient peut-être me décourager. Je n’ai pas hésité une seconde et j'ai dit : ‘Avec plaisir’."

Cinq ans plus tard, en mai 2019, Edina devient la première femme depuis 14 ans à arbitrer un match de l’élite masculine au Brésil. Elle n’a cependant pas le temps de s’attarder sur son exploit : quelques jour plus tard, elle s’envole pour la France en compagnie de ses assistantes Neuza et Tatiana Sacilotti, afin de participer à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019™.

La Brésilienne fait ensuite partie des 11 femmes en noir (sur 75) retenues pour les quarts de finale. Elle arbitre dans la foulée la demi-finale entre l’Angleterre et les États-Unis. "C’était incroyable. Quand je repense à tout ce qui m’est arrivé, à tout ce que j’ai vécu... je ne regrette rien. Une Coupe du Monde est un événement historique", savoure-t-elle aujourd'hui. "Au moment d’embarquer pour la France, je n’en revenais toujours pas. Je me souviens de mon premier coup de sifflet dans ce tournoi, pour lancer la rencontre Nouvelle-Zélande - Pays-Bas. Que d’émotions ! C’est là que j’ai su ce que voulais dire arbitrer un match de Coupe du Monde", confie celle qui dirigera également la demi-finale entre l'Angleterre et les États-Unis.

Aujourd'hui, Edina a encore quelques rêves à réaliser, avant de ranger définitivement son sifflet. "Je veux encore arbitrer pendant trois ou quatre ans, maximum", annonce-t-elle. "Ce serait génial de participer aux prochains Jeux Olympiques. Je vais continuer à travailler dur pour y être. Mais le plus beau de tous mes rêves serait de diriger un jour une rencontre dans un grand tournoi masculin", conclut-elle.