dimanche 11 octobre 2020, 09:36

Charlton, le plus élégant des Anglais

À l'occasion de l'anniversaire de Bobby Charlton le 11 octobre, FIFA.com retrace la carrière de la légende du football anglais, rescapé de la catastrophe aérienne de Munich, vainqueur de la Coupe du Monde de la FIFA et Chevalier de l'Empire britannique.

Rescapé de la catastrophe aérienne de Munich, vainqueur de la Coupe du Monde de la FIFA et Chevalier de l'Empire britannique, Bobby Charlton était avant tout un grand joueur reconnu pour sa droiture. Pour tout cela, il est l'un des meilleurs ambassadeurs du ballon rond.

'Sir Bobby', son surnom officiel, fait partie de la poignée d'internationaux anglais à avoir passé le cap des 100 sélections tout en respectant scrupuleusement l'esprit du jeu. Porteur du brassard de capitaine à 90 reprises, Billy Wright a été le premier à atteindre la barrière fatidique dans les années 50. Plus tard, Charlton et Bobby Moore, qui soulevèrent le trophée Jules Rimet sur leurs terres en 1966, allaient l'imiter. Si Wright et Moore évoluaient dans un registre similaire de demi-centre, Charlton était un joueur à vocation plus offensive. Après avoir débuté sa carrière sur l'aile, il a démontré de brillantes qualités dans l'axe. Toutefois, tous trois avaient en commun la notoriété qu'ils avaient acquise pour leur détermination et leurs tacles virils mais toujours corrects.

A ses débuts, le jeune Charlton s'appuyait essentiellement sur sa vivacité et ses feintes de corps. Au fil des ans, il s'est progressivement recentré, jusqu'à devenir la plaque tournante du jeu offensif de son équipe. La plus grande force de Charlton résidait peut-être dans sa polyvalence. Bon technicien, ce remarquable distributeur de ballons distillait des passes millimétrées aux quatre coins du rectangle vert, sollicitant ses coéquipiers avec précision. Doté d'une frappe de balle que sa modeste taille (1m73) ne laissait pas présager, il marquait quasiment un but tous les deux matches sous la tunique aux Trois Lions, ce qui, compte tenu de sa longévité en équipe nationale (105 sélections), témoigne d'une belle régularité.

En outre, ses 106 sélections, pour 49 buts, ne sont entachées d'aucun mauvais geste, fait notable pour un joueur régulièrement affecté à des missions défensives en équipe d'Angleterre.

Des hauts et des bas

Alors qu'il évolue dans une sélection scolaire de l'East Northumberland, Charlton est repéré par Joe Armstrong, chef recruteur de Manchester United. C'est Matt Busby en personne, le manager de l'équipe première, qui achève de convaincre le jeune homme de quitter le nord-est de l'Angleterre pour venir tenter sa chance à Old Trafford. En juillet 1953, le jeune Charlton s'engage en faveur des Red Devils. Après un bref passage dans un atelier de construction situé à proximité du stade, le prodige passe professionnel à 17 ans. En octobre 1956, pour son 19ème anniversaire, Bobby Charlton fait ses grands débuts avec Manchester à l'occasion d'un match contre Charlton Athletic. Loin de se laisser impressionner par les circonstances, il en profite pour inscrire un doublé.

Manchester United s'adjuge le titre de champion d'Angleterre cette saison et Charlton, qui évolue sur l'aile gauche, participe à la marche triomphale de son équipe en inscrivant dix buts en 14 matches. Les Busby Babes atteignent également la finale de la FA Cup et la demi-finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions la même année. Tout semble sourire à cette jeune équipe pleine de talent, mais le destin va bientôt frapper Manchester United de la plus terrible des façons. En effet, huit joueurs mancuniens perdent la vie le 6 février 1958 dans le crash de leur avion sur la piste de l'aéroport de Munich. Charlton est éjecté de l'appareil avec son siège et survit miraculeusement au drame. Mais, à tout juste 20 ans, il restera marqué à vie par cette tragédie.

Suite à ce désastre, Busby reconstruit une équipe du mieux qu'il peut, faisant de Charlton la pierre angulaire de son nouvel édifice. L'année 1963 marque le retour des beaux jours à Old Trafford puisque MU s'adjuge la prestigieuse Cup. Ce succès est suivi de deux titres de champion, en 1965 et en 1967. Mais l'heure de gloire de Charlton en club sonne dix ans après le drame de Munich, lorsque Manchester United s'impose 4-1 face à Benfica à Wembley, remportant ainsi la Coupe d'Europe, la première d'une équipe anglaise. Pour Charlton, auteur des premier et dernier buts, Busby et Billy Foulkes, seuls survivants du crash à être impliqués dans l'équipe, ce triomphe sportif est également un moment de profonde émotion.

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Les grands débuts

Bien que formé sur l'aile gauche, Charlton fait ses débuts internationaux au poste de milieu défensif droit le 19 avril 1958. Loin d'être dépaysé, il fait, comme à Manchester, des débuts en fanfare, marquant un but pour la victoire 4-0 face au frère ennemi écossais, à Hampden Park. "J'entends encore le bruit du ballon cinglant le filet", se rappelle l'intéressé. "Après ça, on n'entendait plus qu'une chose : le silence." Cette performance lui vaut d'être appelé pour Suède 1958, mais l'Angleterre est sortie après un match de barrage contre l'URSS, au premier tour. Durant la compétition, Charlton cire le banc : le sélectionneur Walter Winterbottom regrette en effet de l'avoir retenu, pensant qu'il subit encore le contrecoup de la catastrophe de Munich.

Durant les quatre ans précédant Chili 1962, Charlton s'est progressivement affirmé comme un titulaire. Cette année-là, il inscrit son premier but en équipe nationale face à l'Argentine et propulse l'Angleterre en quarts de finale, où elle sera finalement battue par le Brésil, futur vainqueur de l'épreuve.

Mais c'est en 1966, année gravée dans la mémoire du peuple anglais, que Charlton, alors âgé de 28 ans, atteint l'apogée de son talent. Aux côtés de son frère Jackie, qui s'est érigé en pilier de la défense anglaise, Bobby est l'élément moteur de cette équipe qui, chez elle, reçoit le trophée Jules Rimet des mains de Sa Majesté la Reine Elizabeth II le 30 juillet 1966.

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Duel avec le Kaiser

Et pourtant, la compétition avait mal débuté pour les organisateurs, avec un médiocre match nul 0-0 contre l'Uruguay. Les Anglais avaient besoin d'un déclic. Charlton allait être l'homme de la situation. La rencontre face au Mexique a débuté depuis 37 minutes lorsque Charlton récupère un ballon anodin au milieu du terrain. "J'ai récupéré ce ballon assez loin et je n'avais aucune intention de tirer au but", raconte-t-il. "Je ne m'attendais pas à ce qu'ils me laissent continuer ma course, alors j'ai tiré de toutes mes forces." Sa chevauchée fantastique est clôturée par une frappe puissante qui va se loger dans la lucarne adverse. Cette fois, les Anglais sont sur la bonne voie.

La demi-finale contre le Portugal sera l'occasion pour Charlton, élu Ballon d'Or quelques mois plus tard, de donner toute la mesure de son talent. Ses courses folles acculent la défense lusitanienne, ses passes ouvrent des brèches pour ses partenaires, et ses talents de finisseur ne le trahissent pas. Deux buts inscrits de part et d'autre de la pause par le joueur de Manchester permettent à l'Angleterre d'arracher une courte victoire (2-1). La frappe victorieuse porte la marque du grand homme : une reprise de volée en pleine lucarne. Le but est si spectaculaire qu'un joueur portugais s'avance pour lui serrer la main !

Avant la finale, le sélectionneur ouest-allemand Helmut Schön a parfaitement identifié la menace anglaise. Il confie donc le marquage de Charlton à un jeune mais tout aussi talentueux joueur : Franz Beckenbauer. Quand Bobby attaque, Franz défend sur lui et quand Franz attaque, Bobby ne le lâche pas d'une semelle. La lutte entre les deux champions prend rapidement des proportions épiques, mais le score final (4-2) donne l'avantage à l'Anglais sur son rival allemand, ce que le Kaiser reconnaît aujourd'hui en résumant : "L'Angleterre nous a battus en 1966 car Bobby Charlton était un peu meilleur que moi".

Une fin dramatique

Quand l'Angleterre se rend au Mexique quatre ans plus tard pour défendre son titre, Charlton, âgé de 32 ans, est encore au sommet de son art. Il occupe désormais le côté droit d'une équipe passée du dispositif 2-3-5 de ses débuts à un 4-3-3, en passant par un 4-2-4. Plus défensif, son rôle n'en demeure pas moins crucial. Après avoir passé le stade des groupes sans encombre, l'Angleterre retrouve les Allemands en quart de finale pour une revanche de la finale de 1966. Son équipe menant 2-1 à 20 minutes de la fin, le sélectionneur Alf Ramsey décide de remplacer Charlton afin de le ménager pour la demi-finale. Mal lui en prend puisque Uwe Seeler égalise et arrache la prolongation, au cours de laquelle Gerd Müller venge les Allemands.

Il s'agit là de la dernière apparition de Charlton sous les couleurs de son pays, le gentleman annonçant sa retraite après le coup de sifflet final du match de Leon qui le voit battre le record de sélections de Billy Wright, avec 105 sélections. Il dispute deux saisons supplémentaires avec Manchester United, pour lequel il fait sa dernière apparition en avril 1973. Son ami et entraîneur Sir Matt Busby disait de lui : "Il n'y a jamais eu de footballeur aussi populaire. Personne n'a autant approché la perfection que lui, aussi bien dans le jeu que dans la vie".

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Entendu...

"Quand je pense aux grands sportifs qui ont toujours su se conduire avec élégance et respect tout au long de leur carrière, Bobby Charlton est le premier nom qui me vient à l'esprit. Cet homme représente tout ce qu'il y a de grand dans le sport. Malgré sa réussite, il a su rester quelqu'un de simple. Il n'a jamais changé. Il a réussi à construire toute sa carrière sur ces valeurs, ce qui n'est pas un mince exploit." - Sir Alex Ferguson, ancien entraîneur de Manchester United

"Bobby Charlton était l'un des joueurs les plus doués de sa génération. Il n'avait pas besoin de parler à tort et à travers, ses chaussures parlaient pour lui. Quand nous étions à l'étranger, les supporters des autres équipes ne parlaient que de lui. C'est un peu notre Pelé à nous." - Alan Ball, coéquipier en équipe d'**Angleterre**

"Bobby était un buteur-né. D'autres joueurs étaient très adroits devant le but, mais aucun n'avait sa classe. De plus, Bob n'était pas qu'un simple attaquant. Il était tout aussi à l'aise sur l'aile ou au milieu du terrain." - Geoff Hurst, coéquipier en équipe d'**Angleterre**

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