lundi 14 mars 2016, 15:14

Des joueurs en or coulés dans le bronze

Auteur de 27 buts en championnat, d'un quadruplé ce 13 mars lors de l'éclatante victoire du Paris Saint-Germain face à Troyes (0:9), l'attaquant suédois Zlatan Ibrahimovic a grandement contribué au titre de champion de Ligue 1 du PSG, acquis après seulement 30 journées. Un record. Ibra a dépassé pour l'occasion la barre des 100 buts, avec 102 réalisations en 115 rencontres depuis son arrivée dans le championnat de France : de quoi assoir un peu plus son statut de star...

... Et de quoi mériter une statue ? "Ce qui arrivera l'an prochain, je n'en sais rien" a-t-il lancé au micro de beiIN Sport, sur une éventuelle prolongation de contrat. "Mais pour le moment, je ne serai pas là. Je ne crois pas qu'ils puissent remplacer la Tour Eiffel par ma statue. Même les dirigeants ne le peuvent pas. Mais s'ils le peuvent, je resterai ici, je le promets", a-t-il souligné alors que des rumeurs annoncent un intérêt grandissant de la part de Manchester United, où d'autres ont eu l'honneur d'être coulé dans le bronze.

Le 23 novembre 2012, Eric Cantona, Ruud Van Nistelrooy, Dwight Yorke et bien d'autres stars du football mondial ont effectivement fait spécialement le déplacement à Manchester. L'assistance était si nombreuse et l'ambiance si solennelle qu'on aurait cru assister à la cérémonie de départ en retraite de Sir Alex Ferguson (qui interviendra finalement quelques mois plus tard).

En réalité, le célèbre entraîneur de Manchester United était venu recevoir un nouvel hommage. Malgré ses nombreux titres et décorations, le technicien écossais n'a pas caché son émotion en découvrant l'honneur qui lui avait été réservé. "C'est fantastique. Je suis extrêmement fier", a-t-il confié lorsque sa femme, Cathy, a dévoilé sa statue à l'extérieur d'Old Trafford. "D'ordinaire, il faut être disparu pour avoir sa statue. D'une certaine façon, j'ai vaincu la mort !"

Les légendes vivantes Bien entendu, la remarque de Sir Alex Ferguson a fait naître des sourires. Si les hommages sont souvent posthumes, le football ne se prive pas de faire exception à la règle. Quatre ans plus tôt, Manchester United avait distingué Denis Law et Bobby Charlton. Les deux hommes, toujours en pleine santé, apparaissaient aux côtés du troisième membre de la "sainte trinité" des Red Devils, le regretté George Best. "C'est l'une des plus belles choses qui me soient arrivées", avait avoué Charlton à l'époque.

Grand rival de l'international anglais, Eusebio a connu le même honneur. Sa statue trône désormais fièrement devant l'Estadio da Luz, à Lisbonne. Comme ceux de ses adversaires en finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions 1968, son buste est devenu une véritable attraction touristique. De même, tous les visiteurs qui se rendent au stade du Dynamo Moscou ne peuvent manquer de s'arrêter devant la sculpture en bronze du grand Lev Yashin. L'œuvre représente le légendaire gardien de l'Union soviétique en train de plonger. Le chemin qui mène au nouveau Wembley permet d'admirer une superbe représentation de Bobby Moore. À l'extérieur du stade De Kuip à Rotterdam, les supporters du Feyenoord peuvent contempler la statue du légendaire Coen Moulijn, présenté par Robin van Persie comme "le Lionel Messi de son époque".

Alfredo Di Stefano fait aussi l'objet d'un véritable culte au Real Madrid. Son effigie, intitulée La Saeta Rubia, le montre en train de fêter un superbe coup franc en demi-finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions 1958. Toutefois, celle-ci ne se trouve pas au stade Santiago Bernabeu mais dans le nouveau centre d'entraînement, sans doute pour inspirer les futures stars madrilènes. Hambourg a choisi une façon plus originale de rendre hommage à Uwe Seeler. L'ancien international allemand n'est pas représenté en pleine action ou dans une pose avantageuse mais par une sculpture en bronze de 5m30 et de quatre tonnes de... son pied droit, cicatrices incluses !

En 2004, l'Azerbaïdjan a lancé une nouvelle tendance en honorant non pas un joueur mais un arbitre assistant. Tofik Bakhramov est devenu célèbre dans le monde entier en assurant que la frappe de Geoff Hurst en finale de la Coupe du Monde de la FIFA 1966™ avait bien franchi la ligne, scellant ainsi la victoire de l'Angleterre. Souvent présenté, à tort, comme un juge de touche russe, Bakhramov possède désormais sa propre statue, à Bakou. En effet, les autorités locales ont considéré que l'homme en noir avait grandement contribué à faire connaître le pays au niveau international.

Les géants du banc Les entraîneurs ne sont évidemment pas en reste. Sir Bobby Robson est ainsi immortalisé à Portman Road, le stade d'Ipswich, et à St James Park, l'antre de Newcastle United. Brian Clough figure quant à lui à Pride Park, le stade de Derby, dans le centre-ville de Nottingham et dans sa ville natale, Middlesbrough. Nul doute qu'une telle popularité aurait flatté son ego. Le stade d'Anfield est sous la protection du célèbre Bill Shankly. Un peu plus au nord, au Celtic Park de Glasgow, Jock Stein est représenté avec le trophée de la Coupe d'Europe en main. Brother Walfrid, le fondateur du club, et Jimmy Johnstone, l'un de ses joueurs favoris, sont là pour lui tenir compagnie.

"À chaque fois que je viens à Celtic Park et que je vois ce spectacle, ça me donne le sourire", assurait Sean Fallon, véritable trait d'union entre ces trois légendes. L'ancien assistant de Stein a longtemps travaillé avec Johnstone et vient de la même région d'Irlande que Walfrid. "On n'aurait pas pu trouver meilleurs exemples de ce qui fait la grandeur de ce club, sur le terrain comme en dehors."

En son temps, le Racing Club a disputé un duel épique face au Celtic de Stein en Coupe Intercontinentale. La formation argentine a elle aussi distingué l'un de ses entraîneurs,Reinaldo Merlo. Le responsable du premier titre de La Academia est représenté dans une pose caractéristique, en train de tenter de conjurer le mauvais sort. En RP Chine, un monument est entièrement consacré à l'ancien capitaine et entraîneur Lee Wai Tong. À Shenyang, les autorités ont inauguré un bâtiment en forme de V en l'honneur de Bora Milutinovic, à l'occasion du dixième anniversaire de la qualification du pays pour la phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA™.

Coiffures et coups de boule Si de telles œuvres sont souvent réservées aux anciens et, comme le rappelait Ferguson, à nos chers disparus, il arrive que certains footballeurs soient ainsi distingués alors qu'ils se trouvent encore au sommet de leur gloire. Boca Juniors a installé deux statues de Martin Palermo et Juan Roman Riquelme aux côtés du grand Diego Maradona dans le musée du club. Arsenal a rendu hommage à Thierry Henry et Tony Adams devant l'Emirates Stadium. L'artiste colombien Amilkar Ariza a créé une sculpture de près de sept mètres de haut à l'effigie de Carlos Valderrama dans sa ville natale de Santa Marta, en 2006. Tout y est, même la couleur des cheveux.

Quelle que soit la grandeur du modèle, toutes les statues ne font pas l'objet de la même adoration. Les autorités de Veracruz, au Mexique, ont été stupéfaites de constater, en octobre 2012, que la statue de Hugo Sanchez avait fait l'objet d'actes de vandalisme. Représenté en plein retourné acrobatique, l'attaquant mexicain se retrouvait à tirer dans la vide. En effet, le ballon avait été dérobé par des indélicats. En 2007 à Salvador, dans l'État de Bahia, une statue du grand Pelé a connu un sort encore moins enviable : quelqu'un lui a scié les bras, emportant avec lui la réplique du trophée de la Coupe du Monde de la FIFA™. Zinedine Zidane a sans doute été flatté en apprenant qu'une sculpture le représentant allait être exposée à Paris. Mais il a dû déchanter en découvrant que celle-ci immortalisait l'un des moments les moins glorieux de sa carrière, à savoir le fameux coup de boule adressé à Marco Materazzi.

La statue de Zizou et de son célèbre rival italien prête évidemment à sourire. Certaines, en revanche, sont plus poignantes. Les Glasgow Rangers ont ainsi choisi de se remémorer le désastre d'Ibrox, au cours duquel 66 personnes ont trouvé la mort en 1971, en installant un buste de John Greig, le capitaine ce jour-là. Un autre exemple tragique se trouve près du terrain d'entraînement de Séville. Le jeune Antonio Puerta, décédé à l'âge de 22 ans, y est désormais figé dans le bronze.

Toute ces personnalités diffèrent grandement les unes des autres, comme les œuvres censées les représenter. Pourtant, qu'il s'agisse de Zlatan Ibrahimovic ou de Puerta, la motivation reste la même : le souvenir et l'hommage.