jeudi 09 avril 2020, 14:00

Deux paires de gants, un but

Si elle décuple la motivation de certains, la concurrence signifie séjour sur le banc pour d'autres. Quand le caractère vient s'ajouter au talent, concurrence devient vite synonyme de rivalité, notamment lorsqu'elle concerne le poste de gardien de but. À l'occasion du #InternationalGoalkeeperDay (Journée Internationale du Gardien de But) le 14 avril, FIFA.com se penche sur la rivalité des derniers remparts sous le même maillot.

Dans toute équipe, il y a dix places à prendre dans le champ mais une seule sur la ligne de but. La lutte pour le poste de numéro 1 a donc toujours fait rage dans l'histoire de chaque club et de chaque sélection. Et rien d'étonnant à ce que cette concurrence soit d'autant plus acharnée que les ambitions de l'équipe sont élevées.

Lors de la saison 2007/08, la rivalité la plus exacerbée a d'ailleurs pour cadre un club qui produit l'un des plus beaux jeux en Europe. Arsenal caracole en tête de la Premier League mais sa place de leader et ses performances de haut niveau ne font pas que des heureux. Au premier rang des victimes, outre Chelsea ou Liverpool qui peinent à suivre le rythme des Gunners, Jens Lehmann prend place sur le banc de touche. Maladroit sur sa ligne en début de saison, l'Allemand a perdu sa place au profit de l'Espagnol Manuel Almunia.

A 38 ans et avec l'UEFA EURO 2008 qui se profilait, le gardien de la Mannschaft vivaitt difficilement le statut de remplaçant mais ne s'est pas découragé. "Je suis persuadé que je vais de nouveau jouer", affirmait l'ancien joueur de Schalke 04 et du Borussia Dortmund. "J'ai déjà connu cette situation et je sais comment réagit le titulaire. Je ne peux pas imaginer qu'il conserve sa confiance." Comble de cette concurrence exacerbée, l'Espagnol avoue que les rapports entre les deux hommes se limitent au strict minimum. "Nous gardons nos distances, il n'y a pas de dialogue".

Allemagne - Espagne, 1-1

Il semble d'ailleurs y avoir de l'électricité dans les rapports hispano-allemands sur la ligne de but. Car la même année, la situation de Santiago Canizarès et de Timo Hildebrand à Valence rappelle celle du vestiaire anglais. Champion d'Allemagne avec le VfB Stuttgart, Hildebrand a enfilé l'été précédent le costume de doublure jusqu'à ce qu'il profite de prestations en demi-teinte du vétéran espagnol. "Ce n'est pas un statut facile, mais il faut toujours croire en soi", expliquait le nouveau portier des Ches. "Quand j'ai joué, je pense avoir bien joué, je n'ai rien eu à me reprocher."

Pas de quoi rassurer l'ancien Madrilène qui avait déjà subi la rude concurrence du légendaire Paco Buyo sous le maillot du Real Madrid. "Quand je suis arrivé du Celta Vigo, j'ai appris que pour réussir dans l'élite, il fallait avant tout du caractère", se souvenait le portier de la Furia Roja. "En football, ce ne sont pas nécessairement les meilleurs joueurs qui réussissent mais les plus professionnels. J'ai alors décidé d'être un bon professionnel !" Une philosophie que Cañete appliquera dès ses premières années Valence lorsqu'il dut faire face à la concurrence avec Andrès Palop.

Une première et cinq paires de gants

Devenu par la suite dernier rempart du FC Séville, Palop avait découvert quelques années auparavant que la rivalité entre gardiens de but pouvait être également teintée d'un grand respect. En 1995, le jour où il prit la place pour la première fois dans le but valencien, Palop trouva dans son casier après la partie cinq paires de gants flambant neuves offertes par Andoni Zubizarreta, habituel titulaire du poste...

Pas sûr qu'Oliver Kahn était d'humeur à faire des cadeaux lorsque le sélectionneur Jürgen Klinsmann annonça que Lehmann serait titulaire entre les poteaux de la Mannschaft lors de la Coupe du Monde de la FIFA 2006 disputée en Allemagne. Mais le mythique gardien du Bayern Munich, qui raccrocha les gants en fin de saison, a su faire passer l'intérêt de l'équipe avant sa déception personnelle et fut un coéquipier modèle durant toute la compétition.

Les hôtes montèrent sur la troisième marche de leur Coupe du Monde avec un Lehmann de gala en quart de finale face à l'Argentine et un Kahn qui a fêté sa 56ème et dernière cape lors de la "petite finale" remportée face au Portugal. Une satisfaction qui n'a pourtant pas complètement comblé King Kahn. "Avec moi dans les buts, l'Allemagne aurait pu aller plus loin...", déclara-t-il quelques mois plus tard.

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Guerre des Goals

Plus loin, c'est-à-dire en finale. La France y est parvenue en vivant elle aussi une féroce "guerre des goals" avant le tournoi. D'un côté, Fabien Barthez champion du monde et d'Europe, était indiscutable au poste depuis 1998 jusqu'à sa longue suspension pour avoir craché sur un arbitre. De l'autre, Grégory Coupet ne déçut jamais lors de son intérim dans les cages des Bleus et devint l'un des acteurs principaux de la suprématie de Lyon sur la Ligue 1.

Coupet faisait l'unanimité mais Raymond Domenech fit le choix de la continuité. Le Lyonnais vécut difficilement son statut de numéro "1 bis" mais dut se résoudre à voir son sélectionneur conforté dans sa décision. Les prestations du Divin Chauve conduisirent les Bleus à Berlin. Mais on ne saura jamais si Coupet aurait fait mieux que Barthez lors de la séance de tirs au but qui donna la victoire à l'Italie...

Une telle rivalité en sélection ne date pas de l'été 2006. Les années 70 ont également donné lieu à des combats de titans pour endosser le costume de titulaire. L'Argentine a ainsi vécu au rythme de la concurrence entre Hugo Gatti et Ubaldo Fillol avant d'entamer la Coupe du Monde 1978 sur ses terres. Pour ne rien arranger, El Loco Gatti gardait les buts de Boca Juniors tandis qu'El Pato Fillol défendait les couleurs de River Plate ! Choisi par César Luis Menotti comme gardien du temple albiceleste, Fillol fut sacré champion du monde alors que Gatti manqua l'événement pour une blessure au genou.

Entrée dans la légende du football argentin sous le nom d'excusa de la rodilla (l'excuse du genou), cette querelle n'a jamais vraiment cessé. "Menotti m'a choisi et El Loco a alors dit qu'il s'était blessé. Ce n'était qu'une excuse", affirme l'ancien Millonario. "La vérité, c'est que je me suis blessé au genou", réplique le Boquense. "L'unique titulaire en 1978, c'était moi. Si je ne m'étais pas blessé, Fillol serait resté sur le banc."

L'Angleterre entre de bonnes mains

L'ambiance était beaucoup plus cordiale entre les deux légendes de l'Angleterre, Peter Shilton et Ray Clemence, qui se sont disputé les gants de titulaire pendant presque 20 ans. Si Shilton fut aligné lors des grandes compétitions, devenant au passage le joueur le plus capé de l'histoire des Trois Lions avec 125 sélections, Clemence n'en a gardé aucune amertume. "Peter et moi, nous partagions la même chambre en sélection", se souvenait l'ancien joueur de Liverpool et Tottenham, qui a défendu les couleurs de l'Angleterre à 61 reprises. "Il y avait une grande complicité entre nous et, d'une certaine manière, notre rivalité nous a aidés à nous surpasser".

Clemence et Shilton ont notamment participé à la Coupe du Monde 1982, tout comme les deux portiers de l'URSS Victor et Vyacheslav Chanov. En plus d'occuper le poste de gardien de but, les deux Soviétiques possédaient la particularité d'être frères, cas unique dans l'histoire de la Coupe du Monde. Mais les supporters russes n'assisteront pas à une lutte fratricide pour la place de numéro 1, la faute à un certain Rinat Dasaev, titulaire indiscutable au poste pendant une décennie.

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