samedi 22 août 2020, 07:54

Gilmar, gardien par excellence

Il reste encore quelques minutes à jouer en finale de la Coupe du Monde de la FIFA 1958™ entre la Suède, pays hôte, et le Brésil. Mais côté auriverde, plus aucun joueur ou presque n'arrive à contenir son émotion. Après un dernier but de Pelé, suivi de peu par le coup de sifflet final de l'arbitre Maurice Guigue, une véritable explosion de joie s'empare du stade Rasunda. Le futur roi Pelé, qui n'est alors qu'un jeune prince de 17 ans, fond en larmes dans les bras du gardien Gilmar.

La scène, immortalisée par les caméras suédoises, est également entrée dans la légende personnelle du portier, âgé de dix années de plus que Pelé, et qui était resté imperturbable pendant toute la durée du tournoi. C'est donc dans un élan naturel que Pelé alla chercher le réconfort auprès de Gilmar. "J'ai marqué puis l'arbitre a sifflé la fin du match. Je ne savais pas quoi dire, je ne savais pas si je devais crier et je me suis mis à pleurer. Gilmar était là. C'était l'un des joueurs les plus anciens et les plus aguerris dans l'équipe avec Nilton Santos", se souvenait l'éternel numéro 10, dans une interview accordée à FIFA.com.

Gilmar était là et ce n'était pas par hasard. Si ce n'est pas lui qui portait le brassard, son expérience et sa classe faisaient de lui un exemple pour ses camarades et intimidaient les attaquants adverses. Deux qualités qui, alliées à sa souplesse hors norme, ont fait de lui l'un des plus grands gardiens brésiliens. Gilmar reste à ce jour le seul double champion du monde titulaire à son poste : son compatriote Castilho (1958, 1962) et l'Italien Guido Massetti (1934, 1938) n'étaient en effet que des doublures.

Une attente récompensée

L'image du grand Gilmar consolant le jeune Pelé est devenue une image emblématique du football. Et pourtant, les deux joueurs disputaient chacun leur première Coupe du Monde de la FIFA. Sélectionné pour la première fois en 1953, Gilmar ne fut pas du voyage pour l'épreuve de 1954. Ce n'est qu'en 1955, à l'âge de 25 ans, qu'il s'imposa en Seleção.

C'est donc peu de temps avant de souffler ses 28 bougies que le dernier rempart de Corinthians arriva en Suède, auréolé d'un statut de titulaire indiscutable et de cadre dans une Seleção parfois oublieuse de ses tâches défensives. Impérial dans les cages, Gilmar enchaîna les quatre premières rencontres sans égratignure et dut attendre la demi-finale contre la France pour aller chercher le ballon au fond des filets (5-2). Son bilan final fut de seulement quatre buts encaissés. Il se distingua à nouveau lors de la campagne mondialiste suivante, conclue par un deuxième sacre de rang pour Pelé, Vava, Garrincha et consorts.

C'est lors de l'édition 1962 au Chili que Gilmar réalisa sa parade la plus inoubliable face à une grande Espagne. Alors que le Brésil, mené 0-1, était au bord de l'élimination, le portier détourna une première frappe de Ferenc Puskás avant de s'interposer avec brio sur la reprise. "Les Espagnols ont mis leur défaite sur le compte de ce double arrêt", racontait Gilmar dans une interview au Jornal da Tarde. Le Brésil égalisa dans la foulée avant de s'imposer 2-1 sans Pelé, pour ensuite filer vers le doublé.

Gilmar participa même une troisième fois à la grand-messe du football mondial, lors de l'édition 1966 en Angleterre. Il fut titulaire au cours des deux premières rencontres mais fut remplacé par Manga lors de la défaite face au Portugal, qui précipita la chute prématurée de la Seleção. Cela ne l'empêcha pas de rafler de nombreux titres sous les couleurs de Corinthians et de Santos, où il fut érigé au rang d'icône.

Santos au plus haut

S'il disputa près de 400 matches avec O Timão, c'est avec Santos, aux côtés de Pelé, qu'il connût l'apogée de sa carrière en club. "C'est à Santos que j'ai vécu mes plus beaux moments, même si j'ai été champion à plusieurs reprises avec Corinthians", relatait Gilmar, disparu en 2013. "Nous formions une famille où l'individualisme n'avait pas sa place. C'était une équipe fabuleuse, qui perdait rarement et qui faisait même la joie des fans adverses."

Le Santos de Pelé, Coutinho, Pepe, Dorval et Mengálvio fut également celui de Gilmar. En huit ans de bons et loyaux services de 1962 à 1969, ce dernier souleva toutes sortes de trophées, des plus locaux aux plus internationaux, comme la Coupe Intercontinentale en 1962 contre Benfica. La victoire 5-2 à Lisbonne, après un succès 3-2 à domicile, restait son souvenir le plus précieux avec Santos. Unanimement respecté, il raccrocha les gants à 39 ans, après avoir incarné pendant près de 20 ans l'image du gardien par excellence.

Un poste qu'il résumait à la perfection. "Le portier est une étoile isolée au sein de la constellation que forme l'équipe. C'est un artiste à part qui déploie une chorégraphie différente : il doit sauter, plonger et réaliser des gestes qui lui sont propres", confiait Gilmar. "Ses responsabilités sont plus lourdes que l'attaquant, car c'est entre les poteaux que tout se joue. Tous les joueurs ont un coéquipier pour leur sauver la mise, sauf lui."

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GILMAR (Gilmar Dos Santos Neves)

Né le : 22 août 1930 (décédé le 25 août 2013) Lieu de naissance : Santos (São Paulo)Poste : gardien de but Équipe nationale : 103 sélections

Clubs : Jabaquara (1945-51), Corinthians (1951-61), Santos (1961-69)

Palmarès : - 2 Coupes du Monde de la FIFA (1958, 1962) - 2 Coupes Intercontinentales (1962, 1963) - 2 Copas Libertadores (1962, 1963) - 5 Championnats du Brésil (1962, 1963, 1964, 1965, 1968) - 8 Championnats de l'État de São Paulo (1951, 1952, 1954, 1962, 1964, 1965, 1967, 1968)

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Le saviez-vous ?

  • D'après le journaliste Odir Cunha, auteur du livre Time dos Sonhos, Gilmar aimait se coucher tôt, mais il était insomniaque et il était toujours éveillé quand ses camarades fêtards, comme Dorval, rentraient tard de soirée.

  • À sa retraite, Gilmar est devenu propriétaire d'une concession automobile. En 1983, il a occupé le poste de superviseur de la sélection brésilienne pendant un an. Mais l’évolution du football moderne l'a déçu. "À l'époque où je jouais, on ne demandait pas de prime pour gagner des matches", a-t-il déclaré.

  • En 1969, la Seleção a rendu un dernier hommage à Gilmar. Battu par la Hongrie pour son dernier match officiel avec le Brésil lors de la Coupe du Monde de la FIFA 1966™, il a pris place entre les poteaux brésiliens lors d'une victoire contre l'Angleterre 2-1 au Maracanã pour son jubilé.

  • Victime d'un AVC en 2000, Gilmar a passé les 13 dernières années de sa vie en chaise roulante. Il est décédé d’un infarctus trois jours après avoir atteint l’âge de 83 ans. "Il ne communiquait plus, mais il nous reconnaissait. Quand je lui parlais, ses yeux se remplissaient de larmes", raconte Coutinho, son ancien coéquipier à Santos.