mercredi 03 mars 2021, 06:40

Le roi Arthur devenu le dieu Zico

À l'occasion de l'anniversaire de Zico le 3 mars, FIFA.com revient sur la carrière du légendaire milieu de terrain du Brésil.

Au milieu des années 1960, quand les journalistes se rendaient au quartier général des frères Coimbra, dans le quartier de Quintino Bocaiúva, au nord de Rio de Janeiro, il était de bon ton de leur demander qui était le meilleur d’Edu, ailier gauche d’América, ou d'Antunes, attaquant de Fluminense. La réponse était invariablement la même : Edu envoyait le journaliste faire un tour de quartier à la recherche d’Arthur, benjamin et phénomène du clan, qui passait ses journées dans la rue, balle au pied, à affronter des adversaires plus âgés.

Pilier de l’histoire de l’América, club traditionnel de Rio, Edu a même défendu les couleurs de la Seleção. Quant à Antunes, il s’est illustré sous le maillot de Flu. En soi, une telle réussite ferait déjà la fierté de n’importe quelle famille brésilienne. Pourtant, "le meilleur était encore à venir", comme aimait à prophétiser l’ailier gauche. En effet, peu de temps après, Arthur allait devenir "Zico", pour le plus grand bonheur de la torcida de Flamengo et de la planète football.

"C’est très pratique d’avoir dans sa famille deux joueurs qui traversent avant vous toutes les étapes auxquelles on va être confronté personnellement. J’ai pu suivre leurs carrières de très près, aller aux entraînements et à plusieurs matches. Et puis dès que j’avais besoin de quelque chose, j’avais toujours à qui parler", expliquait Zico à FIFA.com. "En dehors de ça, je dois dire que j’ai toujours adoré jouer au football."

Flamengo dans les gènes

Zico aimait donc le ballon, mais pas seulement. Il aimait aussi Flamengo, une affinité quasiment obligatoire dans la maison où il est né. Benjamin d’une fratrie de cinq frères et une sœur, il avait pour père un émigré portugais répondant au nom de Tondela José Antunes Coimbra, membre fondateur du club de Gávea passé tout près d’une carrière de gardien professionnel. "A la naissance, chaque enfant se voyait offrir le maillot brésilien et celui de Flamengo. Moi j’étais le dernier, donc j’ai hérité du 8", se souvient Zico, qui ferait sien plus tard le 10 de Flamengo. "Un drapeau du club était accroché aux murs, notre chien s’appelait Mengo et on avait à la maison un cardinal, petit oiseau rouge et noir : ça vous donne une idée de notre fanatisme..."

Constatant les qualités du jeune Arthur, les deux frères aînés l’ont rapidement poussé à embrasser une carrière professionnelle. A 14 ans, il dispute un match sous le maillot de l’América, mais avant de signer au club, il reçoit l’appel tant attendu de la part de Fla. "Ils m’ont convoqué pour passer quelques tests et c’est là que j’ai eu l’occasion de m’engager avec Flamengo. Mon frère avait déjà donné son accord de parole pour que j’aille à l’América, mais j’ai préféré Flamengo, évidemment, et tout le monde l’a très bien compris. C’était le choix du cœur."

A Flamengo, Zico doit patienter pendant deux ans avant de disputer en 1969, son premier championnat au sein de l’équipe de jeunes. Il a alors 16 ans. "A cette époque, c’était un peu plus dur pour les jeunes joueurs. Parce que dans le centre de formation, je côtoyais des joueurs qui avaient jusqu’à trois ans de plus que moi. Du coup, les différences étaient énormes", se souvient-il. Et ce ne sont pas les changements de catégorie qui ont facilité sa progression. "Malgré de bonnes perspectives, mon physique fluet suscitait une certaine méfiance."

Force intérieure

Mais le talent du joueur va bientôt sauter aux yeux des dirigeants du club, qui n’hésitent pas à investir dans un traitement révolutionnaire de renforcement musculaire. "On ne connaissait personne qui soit passé par là", se souvient le joueur, qui agit sous les conseils des médecins José de Paula Chaves et du préparateur physique Roberto Francalacci. "Tout ce qu’on pouvait faire c’est anticiper la morphologie à laquelle j’allais aboutir plus tard."

Prêt physiquement, mieux intégré dans le club de son cœur, Zico marque d’une pierre blanche son premier match en équipe première, survenu en 1971, en offrant une passe décisive lors d’un succès sur Vasco de Gama dans le championnat carioca. Sa carrière est prête à décoller. "Je pense que j’aurais pu jouer au foot de toute façon, parce que la force physique ne fait pas tout. Ça ne sert à rien d’être costaud si on ne sait rien faire. Mais c’est vrai que j’ai gagné un peu d’assurance". Avec Zico sur le terrain, grâce à ses coups francs d’école, son sens de la finition, sa vitesse d’exécution, sa technique et sa vision de jeu, Flamengo conquiert six championnats d’État, et une édition supplémentaire en 1979, trois championnats du Brésil, une Copa União en 1987, la Copa Libertadores et la Coupe Intercontinentale en 1981.

"Les dirigeants ont réussi à monter un grand groupe, très talentueux, en réunissant des joueurs de trois générations différentes", se souvient-il. "On se connaissait tous et tout le monde savait ce que signifiait ce club. La grande majorité était flamenguista, ce qui est très important, et il y avait énormément de potentiel. On a eu le privilège de décrocher, dans une période très courte, plus de titres que ceux que comptait l’armoire à trophées de Flamengo. En tant que supporter du club, c’est très gratifiant d’avoir pu participer à cette période. Jusqu’alors je n’avais pas gagné grand-chose. Pour tout dire, j’aurais bien aimé être supporter pendant mon époque de joueur !", plaisante-t-il.

Rio de Janeiro, Udine, Sarrià

Peu à peu, le joueur se construit un palmarès digne des plus grands, sauf pendant ses deux saisons à l’Udinese, en 1983/84 et 1984/85, où il contribue tout de même à transformer un club modeste en grande puissance du Calcio. Lors de sa première année en Italie, le Brésilien permet à son équipe de se battre pour le titre et pour les places européennes, mais une blessure dans la dernière ligne droite ruine tous ses efforts. Zico doit rester en dehors des terrains pendant cinq semaines et l'Udinese passe de la troisième à la quatrième position. "Tous les meilleurs joueurs du monde étaient là. L’Italie attirait à l’époque toutes les grandes vedettes. C’était une grande année et ça m’a permis de confirmer ma valeur dans un autre pays."

Avec le Brésil, Zico dispute trois Coupes du Monde de la FIFA - Argentine 1978, Espagne 1982 et Mexique 1986 - et obtient son meilleur résultat, une troisième place, lors de sa première participation. Pourtant, cette campagne ne reste pas vraiment gravée dans l’imaginaire du football canarinho. Quatre ans plus tard, l’une des équipes les plus joueuses de tous les temps emporte tout sur son passage jusqu’en finale de groupe au deuxième tour, où une Italie emmenée par un Paolo Rossi des grands jours va mettre un terme au rêve de tous les torcedores. Cette défaite 3-2 à Sarrià est restée dans les annales du football.

"C’est important de laisser une trace dans le jeu", affirme le meneur de la Seleção de Telê Santana, battue en seconde phase." Mais le plus important, pour un professionnel, ce sont les titres. Je suis ravi d’avoir pu jouer dans une telle équipe, qui a marqué durablement le jeu. Mais je serais encore plus content si on avait gagné..."

Historique jusqu’à la fin

En 1986, Zico va vivre un autre coup dur avec la Seleção, en chutant en quart de finale contre la France de Michel Hidalgo, depuis le point de penalty. Récemment remis d’une grave blessure au genou, Zico aborde cette compétition dans une forme douteuse. Il a l’occasion de donner l’avantage aux siens depuis les onze mètres en cours de match, mais il échoue, tout comme deux des autres stars présentes sur le terrain, Michel Platini et Sócrates, malheureux lors de la séance de tirs au but.

En fin de carrière, il retrouve Flamengo jusqu’en 1990, avant de s’exiler au Japon pour participer activement à la professionnalisation du championnat. Il y évolue de 1991 à 1994 et devient un exemple pour tous les Nippons. C’est lui qui contribue à la mise en place de la structure administrative qui a permis de faire de Kashima Antlers une référence nationale.

Après toutes ces années de succès, après tant de titres, il n’est pas évident de faire la différence entre la formidable vedette de Flamengo et le jeune garçon qui émerveillait le quartier de Quintino. C’est ce qui ressort quand il indique à FIFA.com qu’il aimerait rester dans l’histoire comme "quelqu’un qui a aimé et pratiqué le football. Quelqu’un qui a toujours cherché à se perfectionner avec le plus grand sérieux. Quelqu’un qui a toujours été honnête et qui s’est consacré corps et âme à sa passion : le football."

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