jeudi 05 novembre 2020, 15:40

Menotti, l'école et la révolution argentine

À l'occasion de l'anniversaire de César Luis Menotti le 5 novembre, FIFA.com revient sur la carrière du légendaire entraîneur argentin, vainqueur de la Coupe du Monde de la FIFA 1978.

Le football argentin, reconnu comme l'un des meilleurs du monde, doit une partie de sa renommée à César Luis Menotti. L'avènement d' El Flaco ("le maigre"), tel qu'il a été surnommé à ses débuts, a entraîné un chamboulement de l'organisation et de la planification du football international en Argentine. Sous sa houlette, les Albicelestes ont remporté leur première Coupe du Monde de la FIFA et leur premier Championnat du Monde Juniors de la FIFA.

Leader au verbe soigné, Menotti rime en Argentine avec football offensif. "Un but ne doit pas être autre chose qu'une dernière passe dans les buts", avait l'habitude de dire le vieux maître. Avant la désignation de Menotti à la tête de l'équipe nationale, le football argentin souffre de deux maux chroniques : une rotation constante des sélectionneurs et le refus des meilleurs joueurs de se déplacer pour les grandes compétitions. Après le passage de Menotti, non seulement les Gauchos ont démarré leur moisson de titres mais, en plus, les techniciens se sont mis à renouveler les contrats. En outre, le port du maillot national est devenu un honneur, un but recherché par tous les joueurs du pays.

Le couronnement de Menotti se produit en 1978, lors de la victoire de l'Argentine à la Coupe du Monde de la FIFA sur son propre sol. A l'époque, le premier pari du technicien, toujours remis en question par certains Argentins, avait été de préférer l'attaquant confirmé Mario Alberto Kempes à une jeune promesse d'Argentinos Juniors nommée Diego Armando Maradona. Cette décision donne lieu à des débats passionnés, mais les événements vont se charger de confirmer la justesse de l'intuition de Menotti. Car Kempes va devenir la figure de proue et le meilleur buteur des champions du monde 1978, alors que Diego Maradona s'érigera en vedette du Championnat du Monde Juniors de la FIFA, Japon 1979, remporté par les Gauchos.

Vers les sommets

Une fois ses crampons raccrochés, Menotti se tourne immédiatement vers le banc de touche. En 1973, après seulement deux ans d'expérience, il emmène la modeste formation de Huracán jusqu'au premier championnat d'Argentine de son histoire. La formation du quartier de Parque Patricios pratique cette saison-là un jeu parmi les plus élégants de toute l'histoire du football local. On découvre le style Menotti, parfaitement mis en application sur le terrain par des joueurs tels que René Houseman, Miguel Brindisi ou Carlos Babington, éclos sous son mandat et façonnés par le maître.

Après la piètre performance de l'équipe nationale lors d'Allemagne 1974, la fédération argentine (AFA) propose le poste à Menotti. La mission est aussi alléchante que compliquée : mettre une place un groupe capable de remporter le premier titre mondial du pays, quatre ans plus tard, sur le sol national. Dès sa prise de fonction, le stratège décide de s'appuyer sur des joueurs chevronnés, comme Ubaldo Fillol, Daniel Passarella et Kempes, des hommes capables d'assimiler les consignes tactiques énigmatiques d' El Flaco. "L'efficacité de notre tactique était fonction de l'aptitude des joueurs à appliquer au pied de la lettre ce que je leur demandais", a indiqué le technicien ultérieurement, soulignant la discipline de ses protégés. "Quelqu'un qui ne sait pas précisément ce qu'il recherche n'arrive jamais à rien."

Une fois en Coupe du Monde de la FIFA, les Albicelestes battent la Hongrie et la France mais s'inclinent face à l'Italie, ce qui les contraint à quitter Buenos Aires. A Rosario, en seconde phase, l'Argentine défait la Pologne, tient en échec son grand rival brésilien et domine le Pérou, ce qui lui permet de retrouver en finale les Pays-Bas. Une finale de rêve...

Ainsi donc, le 25 juillet 1978, la bande à Menotti vainc les Hollandais 3-1 après prolongation, avec un doublé de Kempes et un but de Daniel Bertoni. Les louanges pleuvent sur le travail d' El Flaco, qui cède volontiers à l'extase : "Peu de gens savent qu'après le match, je suis allé à l'Obélisque (monument du centre de Buenos Aires et point de réunion pour les supporters en fête) pour célébrer la victoire avec les supporters", a avoué Menotti. "Je me suis déguisé pour que personne ne me reconnaisse et j'y suis arrivé incognito dans une camionnette. C'était une sorte de pari que je devais honorer. Et même s'il n'y avait plus grand monde quand je suis arrivé, j'ai quand même pris plaisir à fêter cette victoire."

Une victoire avec Maradona

Un an plus tard, Menotti demande à entraîner l'équipe qui va disputer le Championnat du Monde Juniors de la FIFA au Japon. Gabriel Calderón, membre de ce groupe et futur international seniors, nous raconte cette expérience : "Le seul fait de le voir devant nous parler de football était une expérience incroyable", explique-t-il. "Il nous a dit que s'il avait demandé de nous entraîner, c'est parce qu'il croyait en nous. Ce que j'appréciais chez lui c'est qu'il ne nous mentait jamais. Au contraire, il préférait toujours souligner les points forts de chacun. En entrant sur le terrain, chaque joueur savait clairement ce qu'il avait à faire et était déterminé à bien le faire."

Ces Juniors de 1979, qui vont conquérir le Japon, appliquent volontiers les idées offensives de Menotti et obtiennent d'emblée de bons résultats. Avec Maradona, Ramón Díaz et Calderón en fers de lance, les Albicelestes sont suivis à la télé par tous les Argentins malgré les horaires tardifs de retransmission. Mais personne ne s'en plaint, parce que les jeunots illuminent la compétition de leur talent et vont défier l'URSS en finale.

Le succès 3-1 sur les puissants soviétiques reste à n'en pas douter l'un des plus grands moments de l'histoire du football de jeunes en Argentine. Quelques années plus tard, Maradona se le remémore volontiers : "Je n'ai jamais pris autant de plaisir sur un terrain qu'avec cette équipe. Et tout ça, c'est grâce au travail de Menotti."

L'ère Menotti s'achève en queue de poisson, après une prestation insipide de la bande à Maradona lors d'Espagne 1982. Pourtant composée du noyau victorieux au Japon quatre années plus tôt, la formation albiceleste doit faire ses valises suite à deux défaites face au Brésil et à l'Italie au deuxième tour.

L'école Menotti

Intelligence dans la circulation de balle, rapidité dans les passes et densité dans le jeu : voici les trois piliers du jeu prôné par Menotti. Rien d'étonnant donc, à ce que l'homme qui a mis l'Argentine sur la voie du succès ait connu des périodes victorieuses dans certaines des plus grandes écuries sud-américaines et européennes. Rien d'étonnant non plus à ce qu'il se soit imposé dans les médias.

ADepuis, Menotti est devenu une sorte d'ambassadeur du beau jeu. En Argentine, un pays qui compte autant d'habitants que de sélectionneurs nationaux, le clivage est net entre ceux qui donnent la priorité au résultat et ceux qui pensent que le beau jeu est le meilleur allié de la victoire. Ces derniers, bel hommage, sont connus sous le nom de Menottistas.

Parmi les équipes que Menotti a dirigées, les plus célèbres sont River Plate, Boca Juniors, Independiente, Rosario Central, Peñarol, l'Atlético de Madrid et le FC Barcelone. Au sein de la formation catalane, où Menotti a retrouvé Maradona, l'Argentin a engrangé plusieurs grands titres, dont la Copa de la Liga, la Copa del Rey et la Supercoupe d'Espagne. Ce palmarès international lui vaut plus tard une désignation à la tête de l'équipe du Mexique. Mais en 1992, alors que les Tricolores sont en deuxième phase des éliminatoires pour Etats-Unis 1994, Menotti quitte son poste pour devenir commentateur sportif.

Après de brefs passages en club en Argentine et en Italie, où le stratège entraîne entre autres la Sampdoria, Menotti raccroche son survêtement pour se consacrer aux médias.

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TACTIQUE

Dès ses premières années sur le banc, Menotti a toujours préféré le football offensif à l'attentisme. S'il concédait volontiers que "tout le monde joue pour gagner", il était connu pour déployer ses ressources de façon à optimiser ses chances de marquer. Très fortes collectivement, ses équipes alignaient des joueurs de qualité au milieu et des virtuoses en attaque. L'une de ses marques de fabrique, le piège du hors-jeu, était également la cible préférée de tous ses détracteurs. En fait, ses défenses recouraient systématiquement au piège du hors-jeu, les quatre défenseurs montant vite pour assurer leur part du pressing.

Mais ce système loin d'être parfait lui a donné beaucoup de maux de tête. Menotti était toujours très prompt à défendre ses idées : "C'est toujours mieux d'avancer sur l'adversaire car ça vous permet de récupérer le ballon le plus haut possible." Au niveau du schéma, l'Argentin avait pour habitude d'aligner une défense à quatre, protégée par un seul milieu récupérateur. Les autres milieux avaient quant à eux une totale liberté pour créer le danger et alimenter les deux ou trois attaquants.

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César Luis Menotti en bref :

Né le : 5 novembre 1938 Lieu de naissance : Rosario, Argentine

Carrière d'entraîneur

Equipe nationale : . 1974 - 1982 Argentine . 1991 - 1992 Mexique

Palmarès international :. Coupe du Monde de la FIFA, Argentine 1978 : Champion . Championnat du Monde Juniors de la FIFA 1979 : Champion

Clubs . 1972 - 1974 Huracán (Argentine) . 1982 - 1984 FC Barcelone (Espagne) . 1986 - 1987 Boca Juniors (Argentine) . 1987 - 1988 Atlético Madrid (Espagne) . 1988 - 1989 River Plate (Argentine) . 1990 - 1991 Peñarol (Uruguay) . 1993 - 1994 Boca Juniors (Argentine) . 1996 - 1997 Independiente (Argentine) . 1997 - 1998 Sampdoria (Italie) . 1998 - 1999 Independiente (Argentine) . 2002 Rosario Central (Argentine)

Palmarès en club :. 1973 Torneo Metropolitano (Argentine) . 1982 Vainqueur de la Copa del Rey (Espagne) . 1982 Vainqueur de la Coupe de la Ligue (Espagne) . 1984 Vainqueur de la Supercoupe d'Espagne