mardi 03 mars 2020, 11:00

Michels, moteur et cerveau de l'Oranje Mécanique

À l'occasion de l'anniversaire de la disparition de Rinus Michels le 3 décembre 2005, FIFA.com revient sur la carrière du légendaire entraîneur néerlandais.

Nom : Rinus Michels Né le : 9 février 1928 Lieu de naissance : Amsterdam, Pays-Bas Décédé le : 3 mars 2005

Si la sélection néerlandaise des années 1970 a été affublée du surnom d'Oranje mécanique, Rinus Michels a assurément été l'horloger chargé de veiller au bon fonctionnement de tous les rouages. Chef d'orchestre d'une des plus spectaculaires symphonies du football, le taciturne et novateur technicien eut sous ses ordres la fine fleur du Totaal Voetbal néerlandais.

Né en 1928 et sélectionné à quelques reprises dans l'attaque de l'équipe nationale dans les années 1950, Michels ne se fit vraiment connaître qu'en devenant entraîneur d'abord de l'Ajax Amsterdam entre 1965 et 1971, puis de l'équipe nationale lors de la Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 1974. Emmenés sur le terrain par le fantastique Johan Cruyff, les malheureux finalistes firent l'admiration du monde entier par leur façon de jouer, qui reflétait la foi inébranlable de 'Rinus de Fer' en la discipline d'équipe et en l'imagination des joueurs pris séparément.

D'abord l'Europe, puis le monde

Même si sa carrière d'entraîneur l'a emmené de Los Angeles en Allemagne en passant par Barcelone, où il mit en place la Dutch connection qui existe toujours avec le club catalan, Michels a connu ses plus belles années à la barre de l'Ajax et de l'équipe nationale néerlandaise. Avec ces deux formations, le football total qu'il avait inventé allait connaître son apogée.

Premier Néerlandais appelé à exercer les plus hautes fonctions sportives à l'Ajax, Michels reprit le 22 janvier 1965 les rênes d'une équipe qui venait d'éviter de justesse la relégation. Quelques saisons lui suffirent pour faire du club un des gros calibres des compétitions européennes. Ce parcours culmina en 1971 lorsque Michels remporta la Coupe d'Europe lors de son dernier match à la tête des Amstellodamois. Alors que l'équipe qu'il avait mise en place allait poursuivre sur sa lancée en s'adjugeant deux autres Coupes d'Europe consécutives, Michels, un homme brillant et sérieux surnommé "le Sphinx" en raison de son impassibilité, fit pour sa part le grand plongeon dans le bain du football espagnol en signant avec Barcelone.

A l'époque, Michels était déjà connu pour ses conceptions stratégiques articulées autour d'une mobilité intelligente et de joueurs possédant un bagage technique complet. Il ne connut qu'un succès modéré au sein du club avant-gardiste de Catalogne, qu'il quitta bientôt pour prendre en mains les destinées de l'équipe néerlandaise. Il s'agissait en l'occurrence d'un choix qui s'imposait à la veille d'Allemagne 1974, où il allait définitivement s'imposer.

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À un match de la perfection

Le personnage le plus étroitement associé aux succès de Michels est bien entendu le magique Johan Cruyff, un meneur qui, par son incroyable faculté à lire le jeu, semblait fait pour matérialiser sur le terrain les conceptions de son entraîneur. Cruyff était le prolongement sur la pelouse des idées de Rinus Michels, qui prônait des changements incessants de position des joueurs, une rotation permanente de la défense et un contrôle continu du ballon.

Le mentor et son attaquant vedette allaient encore collaborer à l'Ajax et à Barcelone, mais ce fut lors du premier passage de Michels à la tête des Oranjes (il était alors âgé de 46 ans) que Cruyff et ses acolytes firent découvrir au monde une nouvelle façon de jouer au football. Ironie du sort, on n'attendait guère d'étincelles de l'équipe néerlandaise en 1974 et Michels n'avait pu disputer que trois matches préparatoires avant la phase finale.

Cependant, son équipe étant composée essentiellement de joueurs de l'Ajax et de Feyenoord, elle trouva rapidement sa cohésion et remporta facilement sa poule du premier tour en battant l'Uruguay 2-0, en concédant le nul 0-0 face à la Suède puis en écartant la Bulgarie 4-1. Même lors de la seconde phase de poules, les Jonny Rep, Johan Neeskens et autres Rob Rensenbrink permirent à Cruyff de mettre en évidence l'abîme qui séparait en termes de classe l'équipe néerlandaise de l'Argentine (4-0), la RDA (2-0) et même le mythique Brésil, écarté sur le score de 2-0.

Les Pays-Bas s'inclinent finalement 2-1 face à l'Allemagne en finale, mais ils restent une des plus belles équipes à n'avoir jamais remporté la Coupe du Monde de la FIFA. S'ils avaient triomphé à Munich, les Pays-Bas de 1974 auraient pu être encensés comme le Brésil de 1970. Michels avait marié à la perfection une génération variée de joueurs polyvalents à sa formidable connaissance du jeu, coulant dans un même moule des factions multiples.

Plus tard, il allait écrire à propos de la tâche essentielle qu'il semblait réaliser si bien : "Composer un onze de départ est tout un art. Il faut trouver le juste équilibre entre les joueurs créatifs et ceux qui sont là pour détruire, entre défense, construction du jeu et attaque, sans jamais oublier la qualité de l'opposition et la pression inhérente à chaque match."

Inspirateur d'une nouvelle génération

Après cette finale au goût d'inachevé, Michels reprit le cours de sa carrière à Barcelone, même s'il ne s'éloigna jamais beaucoup de l'Ajax ou de l'équipe nationale. Mais il n'y obtint pas de résultats aussi probants qu'avec les Pays-Bas. En quatre épisodes passés à la tête de l'équipe nationale, il remporta 30 victoires et 14 matches nuls en 54 matches.

Son plus beau fait d'armes remonte à 1998, lorsqu'il conduisit une toute nouvelle génération de joueurs à la conquête du titre européen. Michels y prit notamment sa revanche sur l'Allemagne en éliminant le pays organisateur du Championnat d'Europe 2-1 en demi-finale. En finale, l'Union Soviétique ne fit pas le poids. Cette nouvelle équipe alignait des joueurs comme l'attaquant Marco van Basten, poison mortel pour les défenses adverses, le flamboyant Ruud Gullit au milieu de terrain et le robuste Frank Rijkaard en défense.

Même s'il avait considérablement réaménagé son concept de totaal voetbal, Michels alignait toujours une équipe composée de joueurs de talents à tous les postes et animée d'un esprit résolument offensif. Sa décision controversée d'aligner Rijkaard et Ronald Koeman, deux joueurs assez élégants, au centre de la défense, attestait parfaitement de son dogme offensif. Et le monde se réjouit de voir les Néerlandais brandir leur premier grand trophée international conquis sous la houlette de leur illustre manager, alors âgé de 60 ans.

Quatre années plus tard, Michels allait encore emmener son équipe jusqu'en demi-finale du Championnat d'Europe, où elle subit la loi du Danemark, chouchou du public, à l'issue de l'épreuve des tirs au but.

TACTIQUE

Michels est principalement connu pour le football total, qui est à la base une "anti-tactique", une façon de jouer plus qu'une stratégie. Le principe est de permettre aux joueurs d'ajuster leurs placements et leurs raids de façon à exploiter l'espace libre laissé par l'équipe adverse. La légendaire équipe de 1974 alignait ostensiblement un 4-3-3, avec Rep en piston sur le flanc droit et Rob Rensenbrink dans le même rôle à gauche. Les montées des arrières Wim Suurbier et Ruud Krol offraient des options supplémentaires à une attaque qui semblait monter et descendre à volonté, tandis que Cruyff était laissé libre de parcourir toute la largeur du terrain à la recherche de solutions pour faire sauter le verrou défensif adverse. La conception de Michels reposait essentiellement sur des mouvements intelligents, de bons automatismes et une excellente condition physique.

Le saviez-vous ?

  • En remplaçant l'Anglais Buckingham en janvier 1965, Michels est devenu le premier Néerlandais à entraîner l'Ajax en match officiel.

  • A la fin de sa carrière de joueur, Michels a travaillé en tant que professeur de gymnastique pour des enfants malentendants.

  • Michels a surpris le football néerlandais en signant cinq buts pour ses débuts avec l'Ajax, vainqueur 8-3 d'ADO Den Haag en 1946.

  • Frantisek Fadrhonc avait qualifié les Pays-Bas pour la phase finale 1974. Quand Michels est arrivé, Fadrhonc est devenu son assistant.

  • Les Pays-Bas ont perdu les cinq seuls matches disputés par Rinus Michels sur un score cumulé de 4-21.

J'ai toujours admiré ses qualités de leader. C'est lui qui m'a apporté le plus de choses, que ce soit en tant que joueur ou en tant qu'entraîneur. C'était un sportif qui a fait connaître les Pays-Bas dans le monde. Personne ne m'a appris plus de chos...
Johan Cruyff
Il savait exactement comment motiver un groupe de joueurs. Il était excellent pour faire monter une équipe en pression dans le vestiaire, notamment grâce à son sens de l'humour si particulier. Parfois, il pouvait se montrer très dur dans ses décision...
Marco van Basten
Rinus était un entraîneur aux qualités de leader naturelles. Il était respecté par ses joueurs. Il ne parlait pas beaucoup, même s'il s'est ouvert avec le temps. De nos jours, un entraîneur doit toujours s'expliquer, mais dans son cas, ce n'était pas...
Ronald Koeman