Passarella, le "Gran Capitán"

À l'occasion de l'anniversaire de Daniel Passarella le 25 mai, FIFA.com revient sur la carrière du légendaire défenseur argentin, double vainqueur de la Coupe du Monde de la FIFA.

Daniel Passarella a été un défenseur rugueux, du genre à faire hésiter le plus intrépide des attaquants. Mais il était redouté partout sur le terrain : avec un pied gauche exceptionnel et une détente verticale à faire pâlir d'envie n'importe quel basketteur, le libéro le plus offensif de l'histoire du football argentin a terrorisé plusieurs générations de gardiens.

Il était reconnaissable par de nombreux signes distinctifs : sa gestuelle aride, son pied gauche diaboliquement précis face au but et bien sûr son brassard de capitaine. Mais l'image qui passera à la postérité, c'est celle du capitaine comblé, juché sur les épaules d'un coéquipier, le numéro 19 dans le dos et la Coupe du Monde dans la main, au creux du Stade Monumental si cher à son cœur. "Soulever cette coupe, c'est comme ressentir un orgasme permanent", confiera-t-il plus tard à FIFA.com.

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Né pour gagner

Ne nous attardons pas sur la longue liste de titres et de récompenses qui ont parsemé la longue carrière de Passarella. Le plus parlant reste de citer Diego Maradona, qui n'a pas toujours été dans les meilleurs termes avec le Gran Capitán. Lorsqu'il évoque le premier Argentin à avoir soulevé la Coupe du Monde de la FIFA, c'est en ces termes, qui se passent de commentaire : "Je n'ai jamais vu de meilleur défenseur de toute ma vie, ni de meilleur joueur de tête, aussi bien en attaque qu'en défense".

Ce n'est pas pour rien si Passarella a été désigné parmi les meilleurs joueurs de l'histoire du football, regroupés dans la prestigieuse liste FIFA 100. Et ce n'est pas par hasard s'il a inscrit la bagatelle de 99 buts dans le championnat d'Argentine et s'il a dominé la série A italienne, le championnat qui abritait alors les meilleurs défenseurs de la planète. "J'ai toujours senti des picotements nerveux, comme un chatouillement, avant de jouer. Mais au moment de poser le pied droit sur la pelouse, comme je le faisais toujours, je me transformais. J'oubliais tout, je ne pensais plus qu'à gagner."

Par son attitude et la confiance qui l'animait, Passarella a rapidement convaincu César Luis Menotti, chargé de créer une équipe capable de se mêler à la lutte pour le titre mondial à domicile. "Je n'ai jamais douté qu'il fallait lui donner le brassard de capitaine, son influence sur les autres et son professionnalisme étaient remarquables. C'était un véritable meneur d'hommes", a affirmé plus tard le sélectionneur. Passarella lui a rendu cette confiance de la manière qui était la sienne, en sachant guider la sélection à travers les sept matches de la compétition jusqu'à la victoire sur les Pays-Bas en finale.

Mexique 1986, l'espoir puis le la sortie

Toutefois, en cette froide journée du 25 juin 1978, la joie ne devait pas totalement éclipser le tempérament rugueux du capitaine, qui allait mettre à profit ses talents de défenseur pour protéger le trophée avec véhémence. Selon les propres termes de Mario Kempes, le meilleur buteur du tournoi, "Daniel ne voulait laisser la Coupe à personne. Je ne l'ai même pas touchée. Fidèle à son style, avec les coudes en protection, il la protégeait contre tout le monde. Il est allé jusqu'à refuser de la donner au représentant de la sécurité qui était venu la chercher au vestiaire !"

Après l'échec d'Espagne 1982, malgré deux buts du capitaine face au Salvador et à l'Italie, l'objectif de Passarella était clair : mettre un terme à son immense carrière sur un baroud d'honneur avec la sélection à l'occasion de Mexique 1986. Pourtant, le destin en avait décidé autrement. À cause d'un virus intestinal, qui l'obligera à quitter l'équipe pendant huit jours pour être hospitalisé, c'est depuis le banc qu'il assistera à la seconde épopée victorieuse de l'Albiceleste et au premier but de la finale face à l'Allemagne, inscrit par son remplaçant dans l'équipe, José Luis Brown

C'est El Gran Capitàn lui-même qui le confie : "Il y avait un petit banc dans la chambre où je dormais. La nuit, je l'emportais jusqu'au terrain d'entraînement, je m'asseyais dessus, et je restais là à pleurer pendant des heures".

L'âme du capitaine

Et pourtant, lors de Mexique 1986, Passarella a joué un rôle clé dans la campagne victorieuse de l'Argentine. Lors du dernier match décisif pour la qualification face au Pérou à Buenos Aires, l'Argentine avait besoin d'un point pour composter son billet. À la mi-temps, les Incas menaient à la marque, 2-1, dans un Stade Monumental assommé. "Dans le vestiaire nous étions tous silencieux", rappelle Passarella. "Avant le match, nous avions proposé à notre préparateur physique, 'Prof' Echeverria, qu'il s'achète un appartement avec nos primes de qualification. Pour nous donner du courage, je me suis levé, j'ai donné une tape dans le dos du Prof et je lui ai dit qu'il pouvait être tranquille. Nous allions nous qualifier pour qu'il puisse se payer cet appartement."

Sitôt dit, sitôt fait. Quelques minutes avant la fin de la rencontre, Passarella lui-même a fait sonner la révolte. Lors d'une nouvelle offensive dans la surface péruvienne, une tête du capitaine percute le poteau avant de revenir sur Ricardo Gareca, qui n'a plus qu'à le pousser dans le but vide pour assurer la qualification. "Malgré ma médaille de champion du monde et ma présence au sein de l'équipe lors la cérémonie de récompense à Mexico, je ne peux me sentir champion que lorsque j'ai gagné le titre sur le terrain", admettra Passarella des années plus tard. Toutefois, malgré cette expérience douce-amère, ses statistiques en phase finale de Coupe du Monde de la FIFA parlent en sa faveur : 12 matches disputés, 7 victoires, 4 défaites et 1 nul, 3 buts marqués, un trophée soulevé en tant que capitaine et un autre en tant que remplaçant.

Mais plus important encore que tous les chiffres, Passarella s'est forgé une légende, celle d'un défenseur redoutable jouissant du respect des attaquants aussi bien que des gardiens de but adverses. Un grand capitaine.

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Le saviez-vous ?

  • En tant qu'entraîneur, Passarella a remporté trois titres avec River Plate, un avec Monterrey ainsi qu'une médaille d'or aux Jeux Panaméricains avec la sélection de jeunes argentine.

  • Malgré une relation de symbiose totale avec les Millonarios, Passarella a admis qu'il avait été fan de l'éternel rival Boca Juniors durant son enfance. Ce n'est qu'après un échec lors d'un essai avec les Xeneizes en 1973 qu'il s'est lié avec River Plate, club dont il est ensuite devenu entraîneur et président.

  • En décembre 2009, à l'issue d'un vote particulièrement serré, Daniel Passarella a été élu Président de River Plate avec six voix d'avance sur son principal concurrent. Coïncidence, le numéro 6 est celui qu'il a porté sur les terrains pendant la plus grande partie de sa carrière.

  • Daniel Passarella a disputé le dernier match de sa carrière professionnelle face à Boca Juniors. Ce jour-là, le 27 juillet 1989, il a fini le match sur un carton rouge. Ironie du sort, quelques mois avant, le même arbitre, Juan Bava, lui avait refusé un but qui aurait été son 100ème.

  • Passarella a disputé une quatrième Coupe du Monde de la FIFA, mais cette fois-ci comme sélectionneur de l'Argentine, tombée en quart de finale face aux Pays-Bas lors de France 1998.