vendredi 05 janvier 2018, 08:14

Retour royal et pari réussi pour Bölöni

  • Entretien avec László Bölöni, actuel entraîneur du Royal Antwerp FC

  • Le Roumain évoque les raisons de son retour sur un banc de touche à 64 ans

  • "Si je fais mon bilan, je crois que j’ai laissé plutôt des bons souvenirs derrière moi", assure-t-il

László Bölöni a eu plusieurs vies, et il les a toutes réussies. Sur les bancs de la faculté, il a brillamment mené des études de dentiste. Le problème, c’est qu’il était également doué balle au pied, et a choisi de privilégier le terrain de football au cabinet dentaire. Il a ainsi débuté sa carrière en 1970 à Târgu Mureș, sa ville natale en Roumanie, où il a passé 14 saisons et disputé près de 500 matches.

-  joueur Son palmarès y reste vierge, mais sa réputation grandit, au point d’intégrer la sélection en 1975, et de rejoindre le Steaua Bucarest en 1984. Le milieu de terrain en marquera l’histoire en participant à la victoire en Coupe d’Europe des Clubs Champions 1986 face au FC Barcelone en finale. Sa vie d’international sera aussi une réussite - au moins sur le plan personnel - avec 108 sélections et une participation à l’UEFA EURO 1984.

- entraîneur Il découvre les bancs de touche en 1992 en France, où il a raccroché les crampons, et connaîtra le succès en Roumanie, en Belgique, au Portugal, aux Emirats Arabes Unis, au Qatar et en Arabie Saoudite.

- formateur A l’occasion des The Best FIFA Football Awards 2017, FIFA.com vous avait proposé une interview où Laszlo Bölöni revenait sur son passage au Sporting Portugal, où il découvert et lancé la carrière d’un certain Cristiano Ronaldo.

Aujourd’hui… En 2015, le Roumain dirige Al Ittihad, en Arabie Saoudite, mais décide de quitter la scène sportive pour des raisons personnelles. Certains imaginent qu’à 62 ans, l’heure de la retraite a sonné, et qu’on ne reverra plus ses grands gestes sur le bord du terrain, et qu’on n’entendra plus ses bons mots, ses habiles formules et ses malicieuses déclarations en interview.

Mais à la surprise générale, Bölöni réapparait en début de saison 2017/18 en Belgique, où il avait mené le Standard de Liège au titre de champion en 2009, cette fois à la tête du modeste Royal Antwerp FC, tout juste promu en première division. Une demi-saison plus tard, le pari est réussi et les Anversois sont quatrièmes au classement. FIFA.com revient sur ce retour au premier au plan en donnant la parole au principal intéressé, qui révèle les raisons qui l’ont poussé à relever le défi.

M. Bölöni, cela fait plaisir de vous revoir sur un banc de touche en Europe. Qu’est-ce qui vous a fait accepter la proposition du Royal Antwerp FC, un club promu ? Pendant assez longtemps, j’ai eu un problème personnel à cause duquel je n’ai pas voulu m’approcher du terrain. Et après, doucement, doucement, je voyais le bout du tunnel, et à ce moment, j’ai reçu la proposition de la part d’Anvers Celle-ci venait de quelqu’un que je connais bien, un grand connaisseur du football belge et du football mondial, avec qui j’avais déjà travaillé : M. D’Onofrio. Je l’ai écouté attentivement. Il m’a dit qu’il y avait un projet intéressant, dans une ville intéressante, devant un public intéressant. C’est ce qui m’a fait décider d’accepter de revenir sur un banc de touche.

Qu’est-ce qui vous pousse à accepter un projet ? Le projet d’un club ou avant tout le rapport humain avec ses dirigeants ? Le rapport humain. Le club, je le connaissais, parce que j’ai longtemps travaillé en Belgique, et c’est un ancien grand d’Europe (champion de Belgique en 1929, 1931, 1944, 1957, finaliste de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe 1993). Il avait disparu, mais il n’était pas mort. Il avait besoin d’oxygène, avec une nouvelle direction, un nouveau projet. C’était intéressant et si j’arrive au bout de mon contrat et que je peux dire que j’ai participé au rétablissement de la bonne santé du club, je serai content.

Vous avez une relation spéciale avec la Belgique, le premier endroit où vous avez vécu après être parti de Roumanie. Ce retour a-t-il une saveur spéciale ? J’ai toujours dit que la Belgique est un peu mon deuxième pays. Quand j’ai quitté la Roumanie, la Belgique m’a accueilli. C’est ici que je suis devenu d’abord "occidental" et ensuite "européen". La Belgique m’a accueilli à bras ouverts, donc moi aussi je garde les bras grands ouverts quand la Belgique m’appelle. **

  • *Bölöni et la Belgique

  • Joueur du Racing Jet Bruxelles en 1987/88

  • Entraîneur du Standard de Liège de 2008 à 2010

  • Vainqueur de la Supercoupe de Belgique en 2008 et 2009

  • Champion de Belgique en 2009

  • Entraîneur de l’Année en 2009

  • Entraîneur du Royal Antwerp FC depuis 2017*

Dans plusieurs de vos clubs, certains joueurs étaient surpris de voir à quel point vous étiez encore adroit balle au pied. La plupart des joueurs connaissent votre passé d’entraîneur, mais connaissent-ils aussi tout ce que vous avez accompli en tant que joueur ? Ça, je ne sais pas, et j’essaie de ne pas trop parler de mon passé, parce que les joueurs - et je l’étais moi aussi - sont assez critiques de ce point de vue avec leurs entraîneurs, la plupart du temps en leur faisant des blagues sur le niveau du football qu’ils jouaient à l’époque. Je m’imagine que mes joueurs aujourd’hui disent la même chose sur le football de mon époque. Mais je suis aussi persuadé que sur Internet, ils peuvent trouver toutes les informations qu’ils veulent et voir si j’étais adroit. Mais je peux vous assurer que j’ai beaucoup perdu…

  • *Bölöni balle au pied

Vice-Champion de Roumanie en 1975 (ASA Târgu Mureș)

Vainqueur de la Coupe d'Europe des Clubs Champions en 1986 (Steaua Bucarest)

Vainqueur de la Supercoupe de l'UEFA en 1987 (Steaua Bucarest)

Champion de Roumanie en 1985, 1986 et 1987 (Steaua Bucarest)

Vainqueur de la Coupe de Roumanie en 1985 et 1987 (Steaua Bucarest)

Joueur Roumaine de l’Année en 1977 et 1983*

Après 20 ans sur les bancs de touche, avez-vous l’impression de progresser encore, et d’avoir encore des choses à apprendre ? Sans doute. Il y a très longtemps, à Clairefontaine, j’ai entendu une phrase d’un homme sage qui s’appelle Aimé Jacquet, qui m’a dit qu’en football - et cette philosophie est valable pour toute la vie - on est obligé de progresser, parce que si on ne progresse pas, on régresse. J’ai toujours de la motivation pour apprendre, et peut-être même qu’aujourd’hui, j’ai encore plus de compréhension, de faculté d’écouter et de parler de manière un peu plus franche sur mes idées, mes erreurs, les critiques. La motivation me pousse encore pour apprendre.

Avez-vous encore des rêves ou des objectifs à atteindre , ou êtes-vous déjà un homme comblé professionnellement ? Des rêves fixes, je n’en ai jamais eus. Quand j’ai commencé à être entraîneur, je n’ai pas rêvé de gagner la Champions League, ou des choses comme ça. Mon rêve était toujours de faire avancer par mon travail et par mes capacités le club où je travaillais, et de laisser derrière moi quelque chose d’intéressant, dont on parlerait encore quelque temps après mon départ. Je crois que pas mal de fois, j’ai réussi cela. Un entraîneur ne peut pas dire qu’il n’a eu que de la réussite. Ça n’existe pas. Donc j’ai fait sans doute des erreurs aussi, mais je peux me considérer content de ce que j’ai accompli, et si je fais mon bilan, je crois que j’ai laissé plutôt des bons souvenirs derrière moi.