samedi 05 novembre 2016, 11:41

Windischmann, classe américaine et embellie italienne

Le 11 novembre, les États-Unis reprendront leur quête d'une huitième qualification consécutive pour la Coupe du Monde de la FIFA™. Les Stars and Stripes font partie des favoris du tournoi "hexagonal" de la CONCACAF pour Russie 2018. Alors que les play-offs de la Major League Soccer battent leur plein, on peine à imaginer que le football aux États-Unis ait pu connaître une période de vaches maigres.

Il suffit pourtant de remonter aux années 80 pour se replonger dans une situation bien différente. Après 16 années de bons et loyaux services, la North American Soccer League ferme définitivement ses portes en 1984. Le championnat nord-américain a pourtant su attirer des stars de la trempe de Pelé, Franz Beckenbauer et George Best. Sa disparition laisse un vide dans le pays, obligeant de nombreux jeunes footballeurs à reconsidérer leur avenir.

Futur capitaine des Stars and Stripes en Italie, Mike Windischmann se retrouve en première ligne. Il est titulaire d'une bourse à l'université Adelphi quand, du jour au lendemain, son plan de carrière part en fumée. Sur le moment, il n'est même pas question de mettre fin à la longue absence des États-Unis en Coupe du Monde, laquelle dure depuis 1950, mais simplement de se réinventer un destin. Étrangement, ce coup du sort va donner naissance à une équipe au caractère bien trempé.

"J'étais à l'université quand j'ai appris que le championnat professionnel avait fait faillite", se souvient Windischmann au micro de FIFA.com. Originaire de New York, le défenseur rêve de marcher sur les traces de Beckenbauer au New York Cosmos. Le football de club régresse au niveau régional. Entre deux rencontres des sélections de jeunes ou de l'équipe nationale, quelques matches des Brooklyn Italians ou de la sélection de l'État de New York viennent combler le vide du calendrier. À titre d'exemple, les États-Unis ne disputent que deux matches en 1986, à l'occasion d'un tournoi de deux jours à Miami.

Succès dans les salles Mais l'année 1988 marque un tournant. Dans la foulée de l'attribution de la Coupe du Monde 1994 aux États-Unis, la sélection olympique fait sensation à Séoul grâce à un groupe de joueurs qui formera l'ossature de l'équipe en 1990. "À ce stade, la fédération américaine a commencé à envisager de nous faire jouer toute l'année, en nous payant. Les salaires n'étaient pas mirobolants, mais nous étions passionnés et nous débutions. C'était assez pour nous", explique l'ancien international devenu enseignant. "En 1984, on nous payait à la journée."

Entretemps, les joueurs les plus en vue de la NASL ont trouvé refuge dans les compétitions en salle, qui jouissent toujours d'une grande popularité. "Mais c'était un jeu complètement différent", note Windischmann. La fédération américaine décide donc de faire appel à des jeunes ambitieux. "Les stars savaient que la nouvelle génération avait faim. On ne pensait pas nécessairement que nous étions meilleurs, mais nous avions le niveau pour remplir les objectifs qu'on nous avait fixés. Si nous ne nous étions pas qualifiés pour Italie 1990 alors que nous organisions la Coupe du Monde quatre ans plus tard, l'horizon se serait assombri."

En 1989, un événement va totalement bouleverser la trajectoire du football aux États-Unis : le dernier match de qualification pour Italie 1990. La rencontre a lieu à Trinité-et-Tobago. Les deux équipes sont à égalité de points mais un nul suffit aux États-Unis pour valider leur billet ; les locaux doivent impérativement l'emporter. "C'était écrit. Il fallait que tout se joue lors du dernier match", poursuit le joueur né en Allemagne. "Nous sommes arrivés à trois heures du matin. Tout de suite, nous avons entendu du bruit qui venait de l'extérieur. Nous sommes sortis de l'avion et nous avons vu deux mille supporters en rouge. Ils chantaient et ils dansaient. Ils nous disaient qu'ils allaient se qualifier pour la Coupe du Monde. La pression autour de ce match était incroyable."

Dans le chaudron du stade national, Paul Caligiuri inscrit l'unique but de la partie. "Une fois que nous avons pris conscience d'être enfin qualifiés, 40 ans après, nous avons ressenti un soulagement énorme", raconte Windischmann. "Nous courions ensemble derrière cet objectif depuis des années. Ça représentait beaucoup pour nous."

Un retour très attendu Au sortir de cette longue traversée du désert de 40 ans, les Stars and Stripes arrivent en Italie pour y disputer trois matches difficiles contre la Tchécoslovaquie, le pays hôte et l'Autriche. "Vivre une Coupe du Monde, se rendre dans les stades, figurer dans un groupe relevé et défier le pays organisateur : c'étaient des choses dont nous rêvions." Mais les Tchécoslovaques se chargent de réveiller brutalement Windischmann et ses coéquipiers en leur infligeant d'entrée un cinglant 5:1. "La pression était encore plus forte pour le deuxième match. Nous avions l'Italie en face de nous et nous voulions prouver que nous avions notre place à ce niveau. Nous nous étions entraînés la veille au soir au stade olympique. Le lendemain, les tribunes étaient pleines à craquer. C'était quelque chose", se souvient-il.

Cette fois, les Américains créent la surprise en ne concédant qu'une courte défaite 1:0, sur un but en début de match de Giuseppe Giannini. Leur performance courageuse et déterminée leur vaut immédiatement le respect de leurs adversaires et du public. "Après le match, les Italiens sont venus dans notre vestiaire pour nous saluer et échanger les maillots. Roberto Baggio est entré, il nous a parlé, puis il nous a donné son maillot et son équipement. J'ai conservé son maillot pendant toutes ces années", explique fièrement Windischmann.

Les États-Unis achèvent leur parcours en Europe sur une ultime défaite (2:1) face à l'Autriche. Italie 1990 marque cependant le début d'une série de qualifications consécutives exceptionnelle. En effet, seules cinq équipes ont fait mieux et quatre d'entre elles - le Brésil, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne - se sont partagé tous les titres mis en jeu au cours de cette période, à une exception près. "C'est incroyable de se dire que, même sans un championnat professionnel, nous avons pu maintenir notre condition physique, nous entraîner et obtenir des résultats", se félicite Windischmann. "L'équipe de 1990 est parfois un peu oubliée. Je crois pourtant qu'on lui doit en partie ce qui s'est passé en 1994 et ensuite. Chaque génération essaye de faire mieux que la précédente. Le football vivait une époque sombre quand nous sommes arrivés à maturité et nous avons essayé de faire bouger les choses. On peut dire que nous y sommes arrivés."