jeudi 01 décembre 2016, 10:43

Sinama-Pongolle : "J'ai vécu mon rêve"

Inédit et inattendu, le sacre des Bleuets en Coupe du Monde -17 de la FIFA, Trinité-et-Tobago 2001 reste comme l’un des plus grands exploits de l’histoire du football français. Liés à jamais à cette performance, Anthony le Tallec, Jacques Faty, Jérémy Berthod, et Mourad Meghni sont des noms gravés aujourd’hui dans le marbre tricolore tant pour ce qu’ils ont accompli en 2001 que pour les immenses espoirs qui ont été placé en eux. Espoirs déchus. Car sur les 21 titrés, seul un joueur est finalement parvenu à franchir les étapes jusqu’aux "grands" Bleus : Florent Sinama-Pongolle.

Quinze ans après ses Soulier et Ballon d'Or de la compétition, Florent Sinama-Ponolle ouvre la boîte à souvenirs. Au micro de FIFA.com, l'attaquant réunionnais âgé aujourd'hui de 32 ans, revient sur son parcours : du sacre caribéen jusqu'à sa nouvelle vie en Thaïlande, en passant par Liverpool et l'Atlético de Madrid. Entretien.    ** **

Florent, on fête cette année le quinzième anniversaire de la victoire de l’équipe de France en Coupe du Monde U-17 de la FIFA. Quels souvenirs gardez-vous de ce tournoi ? Je m’en rappelle comme si c’était hier. J’ai vécu des moments indescriptibles à Trinité-et-Tobago. Ça a évidemment changé ma vie. Le changement était d’autant plus radical que le tournoi était loin de la France. On ne pouvait pas vraiment sentir l’engouement qu’il y avait autour de notre équipe à cette époque. Les réseaux sociaux n’existaient pas encore. On revient du tournoi, et notre vie n’est plus la même. On est sollicité, on commence à nous reconnaitre dans la rue. C’est très bizarre. Participer à ce genre de compétition, c’est fantastique, mais la victoire au bout fait que j’en parle encore aujourd’hui et que j’en parlerai encore dans 20 ans. C‘est quelque chose qui me marquera à jamais.

Y’a-t-il un moment durant cette compétition qui vous paraît plus mémorable qu’un autre ? La finale, la remise des trophées, tout cela était génial, mais mes meilleurs souvenirs sont plus intimistes. Ce sont ces moments passés avec Anthony (Le Tallec), ces parties de Black Jack enflammées que nous disputions. D’une compétition à une autre, les émotions sur les terrains sont relativement identiques. Ce qui change selon moi, ce sont tous les "à-côtés', tous ces moments hors football qui rendent une compétition magique ou non.

Il y a eu d’énormes attentes vous concernant ensuite. A titre personnel, pensez-vous en avoir été à la hauteur ? C'est vrai qu'il y a eu beaucoup d’attentes autour de nous et, me concernant, je n’en ai sans doute pas été à la hauteur. On peut toujours faire mieux, et ma carrière aurait pris une autre tournure sans des choix que j’ai faits dans la précipitation ou sans des blessures qui ont parfois pu ralentir ma progression. Mais je constate aussi que j’ai vécu mon rêve et que c’est quelque chose d’inestimable. J’ai joué à un haut niveau, même au plus haut niveau avec Liverpool notamment. Tout le monde n’a pas cette chance. Mais oui, j’aurais voulu faire plus. J’aurais aimé être un joueur important dans un grand club européen.

Mais qu’est ce qui vous a manqué pour avoir les carrières d’un Carlos Tevez ou d’un Fernando Torres, qui étaient également présents à Trinité-Et-Tobago 2001 ? (Il réfléchit) Beaucoup de critères rentrent en jeu… Ce qui m’a manqué c’est de faire le bon choix au bon moment. Dans une carrière, il y a des moments où on est dans la lumière, d’autres où on est dans l’ombre. Quand les projecteurs étaient braqués sur Anthony et moi, ils ne l’étaient pas sur Torres et Tevez. C’est plus tard qu’ils se sont révélés et qu’ils ont été adulés, à juste titre d’ailleurs. Moi, ma période faste a été durant les années post-coupe du Monde 2001. Et puis, je suis parti de l’Atlético en 2009… à mon grand regret. J’aurais dû être plus patient. C’est là que la dynamique s’est inversée. Car j’ai signé au Sporting de Lisbonne, et les problèmes personnels (ndlr : sa fille a eu un grave accident) et les soucis sportifs se sont entremêlés.

Avec le recul, au regard de votre carrière, de quoi êtes-vous le plus fier ? Je suis fier d’avoir su tirer le meilleur de ma vie professionnel pour devenir l’homme que je suis aujourd’hui.  J’ai su me servir de mes succès comme de mes échecs pour devenir quelqu’un. J’ai su être curieux lorsque j’arrivais dans un nouveau club, un nouveau championnat, un nouveau pays. Tout cela m’a enrichi. Et je suis également fier de n’avoir jamais lâché, de mettre toujours battu malgré les coups durs.

Vous avez joué dans de nombreux clubs, 13 au total. Lequel vous a le plus marqué ?   Liverpool, j’arrive à une époque où le club gagne tout. Ça facilite les choses. Mais au-delà de ça, j’y ai vécu mes plus belles années. Pour avoir beaucoup voyagé, je peux affirmer que s’il existe bien un pays du football : c’est l’Angleterre.

Vous avez également évolué au côté de grandes stars du football. S’il fallait retenir un joueur… Ce serait Steven Gerrard, sans hésiter. Il avait un charisme incroyable, hors et sur le terrain.  Il y a peu de gens qui dégagent une sérénité comme lui. Et puis il est fidèle : je suis resté longtemps en contact avec lui. C’est quelqu’un de vraiment bien. Et ayant joué à Liverpool, j’ai vu aussi l’importance qu’un joueur peut avoir dans une ville. Gerrard est un dieu là-bas. Il faut le voir pour le croire. Et puis c’était tout simplement un capitaine et un joueur extraordinaire, capable de débloquer un match à lui tout seul d’une frappe des 30 mètres. Pour moi, il marquera l’histoire.

Gerrard avait choisi les Etats-Unis pour son baroud d’honneur, vous la Thaïlande. Vous portez aujourd’hui les couleurs du FC Chainat… Et j'en suis très heureux ! J’ai trouvé un deuxième souffle. On m’a souvent dit que passés 30 ans, une deuxième carrière démarrait, et je crois que c’est vrai. J’ai récemment accumulé les blessures, les échecs, les déceptions, … mais j’ai pu rebondir ici. Ça me ravit. Les mauvaises langues diront que ce n’est "que" le championnat thaïlandais. Mais je les invite à voir comment ça joue ici ! Ce championnat n’a, pour moi, rien à envier au championnat écossais.  Bien sûr, il y a encore du travail. La ligue est jeune, le club dans lequel je joue n’existe, par exemple, que depuis sept ans, mais leur croissance est exponentielle. Le foot est omniprésent en Thaïlande.

L’envie est donc la même qu’en 2001 ? Rien n’a changé. J’ai toujours gardé cette passion, cette envie de jouer, cette envie d’inscrire des buts et de vivre des grands moments avec mes partenaires.

Et quel statut avez-vous là-bas ? Liverpool et Manchester United sont des clubs adulés en Thaïlande. Ayant été Red, ça aide… Mais il y a le revers de la médaille : je suis très attendu, j’ai une image à respecter. C’est un gros challenge que j’ai relevé. Mais ça se passe bien. Le président du club m’a même proposé le capitanat, c’est un signe qui ne trompe pas.

Dans quelques mois débutera la Coupe du Monde U-17 de la FIFA, Inde 2017. Quel conseil donneriez-vous à tous les jeunes joueurs qui s’apprêtent à marcher sur vos traces ? Je les invite à profiter de l’évènement à 200%, à s’enrichir un maximum de l’expérience, et bien sûr à tout donner car il n’y a pas mieux comme tremplin dans une carrière. J'en sais quelque chose. Le souvenir de ce tournoi restera gravé en moi pour toujours. Que le meilleur gagne !

Le portrait de Florent Sinama-Pongolle