Boquete et le tremplin thaïlandais

"Nous devions échouer, tous les pronostics nous donnaient perdantes. La clé de notre succès a été la solidité du groupe. Cette force, je l'ai sentie pendant la réunion d'avant-match", se souvient Veronica Boquete à propos du Championnat d'Europe U-19 remporté par l'Espagne en Finlande. Les statistiques n'existant que pour être démenties, les Rojitas sont venues, elles ont joué et elles ont vaincu la puissante Allemagne. Il a presque fallu les sortir de force du stade, tant elles se sont attardées à fêter leur victoire sur le terrain.

Premier titre de l'histoire de la sélection féminine espagnole de football, ce sacre lui a ouvert les portes de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA, Thaïlande 2004. Cette prouesse a fait date et a eu des conséquences cruciales, comme le confirme Boquete. "Cette expérience a changé ma vie. Bien sûr, avant la Finlande, je voulais déjà être footballeuse et évoluer au plus haut niveau, mais là, j'ai su que c'était possible. Le tournoi m'a donné suffisamment confiance en moi pour tout miser sur une carrière professionnelle dans le football. Je voulais revivre de tels moments", nous explique-t-elle à Munich, où elle a élu domicile depuis qu'elle porte les couleurs du Bayern.

Objectif atteint, puisqu'elle a non seulement accédé au statut de star en Espagne, mais elle a aussi vécu une deuxième campagne mondialiste, cette fois dans la cour des grands : en tant que capitaine de la Roja, elle a conduit les siennes à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Canada 2015™.

Ruth García et Natalia Pablos, deux autres anciennes de l'aventure thaïlandaise, ont disputé l'épreuve mondiale à ses côtés. "Le groupe de 2004 était fabuleux. Avant le championnat européen, nous nous sommes réunies un mois en Galice, ma province natale. Le stage nous a soudées et lors de la finale contre l'Allemagne, nous avons prouvé que l'union faisait la force", poursuit Boquete, qui a accroché à son tableau de chasse la Ligue des champions de l'UEFA 2015 sous le maillot du 1. FFC Francfort.

Les mois qui ont précédé le départ pour l'Asie ont été rudes. Les joueuses n'ont pas bénéficié d'un stage long et elles ont dû se préparer séparément avec leur club. De plus, le tournoi a eu lieu pendant l'année scolaire, ce qui a nui à leurs études. "La compétition est tombée pendant une année déterminante dans le choix de carrière. C'était compliqué à gérer, parce qu'on n'était pas encore pro et notre avenir dépendait de notre réussite scolaire. Il fallait assumer le lycée, les examens et des entraînements plus intensifs que jamais. Nous sommes passées par une période stressante, qui nous a demandé de gros efforts personnels", soupire-t-elle.

Le jeu en valait la chandelle, même si l'Espagne a chuté dès le premier tour, après avoir affronté la Russie, les États-Unis et la République de Corée en poules. "Nous débordions d'espoir. Nous étions au tout début de nos carrières, nous avions des rêves plein la tête." Elle les a tous réalisés, avec sérénité et détermination. Après Thaïlande 2004, elle a terminé ses études avant de s'engager auprès du Prainsa Saragosse. Ensuite elle a rejoint l'Espanyol, puis, sans doute mue par le puissant gène migrateur galicien, elle s'est lancée dans un périple mondial qui l'a mené aux États-Unis, en Suède, en Russie et, aujourd'hui, en Allemagne.

Un tournant décisif La génération 2004 a fait bouger les choses. Aujourd'hui, les jeunes espagnoles n'abordent plus les tournois continentaux et mondiaux en outsiders, mais dans le costume de favorites. Triple championne d'Europe U-17 et plusieurs fois vice-championne en U-19, la Roja affiche aussi à son palmarès une médaille de bronze et une médaille d'argent en Coupe du Monde U-17. "Je suis très fière de voir à quel point le football féminin a progressé en Espagne sous l'impulsion de joueuses qui ont consacré tous leurs efforts pendant de longues années à ouvrir des perspectives à notre discipline", assure-t-elle. "C'est un vrai bonheur de voir les filles disputer des finales. Et l'avenir s'annonce meilleur encore", prédit avec optimisme la milieu de 28 ans, figure de proue de l'équipe quart de finaliste de l'UEFA EURO Féminin 2013.

Elle est devenue la source d'inspiration dont elle a elle-même manqué à ses débuts et qu'elle a trouvée, d'une certaine manière, en Thaïlande. "Il faut voir pour savoir. En Coupe du Monde, on découvre d'autres réalités et tout un monde de possibilités. C'est motivant. La visibilité est très importante", confie la nouvelle ambassadrice du championnat féminin espagnol.

Vecteur d'évolution professionnelle, un tournoi mondial est tout aussi enrichissant sur le plan personnel. C'est dans cet esprit que Vero souhaite s'adresser à toutes les futures participantes à une Coupe du Monde, dans quelque catégorie que ce soit. "C'est une aventure qui ne se répétera peut-être jamais, mais que vous brûlerez de revivre. Je vous conseille de profiter de tout à fond. On se concentre parfois totalement sur le football. Moi, j'ai appris à profiter de tout et de chaque instant : les entraînements, les attractions touristiques, les nouvelles connaissances, la cuisine... La vie est faite d'expériences, de moments et de rencontres."