mardi 09 mars 2021, 10:46

Statistiques et diversité, les ingrédients du succès de Brentford

  • Brentford a gravi les échelons en s’appuyant sur une approche scientifique du marché des transferts

  • Les dirigeants utilisent ces principes pour créer "le club le plus inclusif du pays"

  • Monique Choudhuri revient sur cette méthode innovante

Ceux de nos lecteurs qui ne vivent pas au Royaume-Uni ne savent sans doute pas grand-chose de Brentford. Qu’ils se rassurent : ils ne sont pas les seuls ! Ce club de l’ouest londonien n’a jamais appartenu au cercle des géants de la capitale. L’essentiel de son histoire s’est déroulée loin des projecteurs, dans les divisions inférieures du football anglais.

En revanche, ceux qui connaissent un peu les Bees et qui se sont intéressés à l’une des montées en puissance les plus remarquables de ces dernières années en Angleterre ont certainement rencontré le terme moneyball. Matthew Benham, le propriétaire du club, n’apprécie pas particulièrement les comparaisons avec Billy Beane et le baseball. Pourtant, dès que l’on se penche sur son approche résolument scientifique, on ne peut s’empêcher de dresser certains parallèles.

Les transferts de joueurs comme Neal Maupay, Ollie Watkins ou encore Said Benrahma ont rapporté des dizaines de millions au club. Alors que la saison entre dans sa phase décisive, Brentford reste plus que jamais en course pour accéder à la Premier League. Depuis son arrivée aux commandes de son club fétiche, Benham ne fait pas mystère de ses ambitions. Il faut dire que l’homme n’est pas un inconnu sur la scène internationale : il a déjà appliqué avec succès ses méthodes au Danemark, comme les supporters du FC Midtjylland peuvent en témoigner.

Toutefois, la réflexion des dirigeants de Brentford ne se limite pas aux frontières du terrain. Ils souhaitent diriger dans les années à venir "le club le plus inclusif du pays", un objectif certainement aussi difficile à atteindre qu’une place parmi l’élite anglaise, après laquelle les Bees courent depuis 74 ans.

C’est dans cette optique que Monique Choudhuri, spécialiste du leadership, du recrutement et de l’inclusion, a rejoint la direction du club en 2017. Comme elle l’explique au micro de FIFA.com, les principes scientifiques qui ont transformé Brentford sur le rectangle vert s’appliquent désormais dans d’autres domaines.

"Tout le monde sait que notre gestion sportive s’appuie sur une étude minutieuse des statistiques. Depuis un certain temps, nous avons essayé de voir si nous pouvions appliquer les mêmes méthodes en dehors du terrain." En effet, les dirigeants collectent de nombreuses données avant de prendre leurs décisions. Cependant chacun d’entre nous a des préjugés, conscients ou inconscients. Leur but consiste donc à remettre en cause et, dans la mesure du possible, à changer nos idées reçues.

"Si je m’implique autant dans la vie du club, c’est précisément parce que nous faisons les choses ainsi. Sur le plan commercial, tout le monde ici essaye de donner le meilleur de lui-même et de relever sans cesse de nouveaux défis, avec simplicité et humanité. C’est ce qui rend ce club unique : nous voulons progresser, mais sans renoncer à l’épanouissement de chacun."

"Je ne vais pas vous dire que c’est toujours évident. Quand on se fixe pour ambition de devenir le club le plus inclusif du pays, il faut commencer par se demander à quoi ce club pourrait bien ressembler et ce qu’il faut faire pour en arriver là. Nous avons adopté une devise claire (Bee Together) et nous essayons de mettre l’EDI (égalité, diversité et inclusion) au cœur de notre stratégie."

"Nous menons actuellement un audit EDI à tous les niveaux du club, de la direction aux employés, afin de savoir si chacun s’identifie à nos valeurs. Nous voulons également créer un lien avec nos supporters. Nous sommes installés dans l’un des quartiers les plus ethniquement divers de Londres (Hounslow), mais cette diversité ne se retrouve pas toujours en tribunes."

"Supporters, employés et acteurs : tout le monde doit se sentir le bienvenu ici, quelles que soient ses origines. Si nous y parvenons, j’espère que d’autres clubs prendront exemple sur nous."

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Choudhuri espère que l’approche rationnelle prônée par Brentford fera bientôt des émules, comme c’est déjà le cas en matière de transferts. Il faut dire que les résultats plaident en sa faveur. "Je crois que les choses évoluent dans le bon sens. Bien entendu, il reste beaucoup à faire. Nous avons énormément à gagner en intégrant d’autres façons de penser, c’est indéniable. Le débat et la prise de décision ne doivent pas être confisqués par groupe d’hommes blancs d’une quarantaine d’années."

L’engagement de Brentford au service de la diversité ne se résume pas à courtiser les supportrices ou à recruter une poignée de femmes à des postes de responsabilités. Toutefois, ces initiatives, parmi les plus visibles, ont leur importance. Choudhuri, qui compte désormais parmi les femmes les principales décideuses au sein du club, n’ignore pas qu’un certain nombre de préjugés doivent être surmontés avant que d’autres formations emboîtent le pas à Brentford.

"Trop de gens pensent encore que les femmes ne connaissent rien au football ou, en tout cas, que leur compétence est nécessairement inférieure à celle des hommes", poursuit notre interlocutrice, qui siège également au comité directeur de Women in Football. "Quand je me présente et que j’explique que je suis dirigeante dans un club de football, on me demande souvent : ‘Comment avez-vous eu cette place ?’ On ne poserait jamais cette question à un homme."

"Aujourd’hui, les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler au club ou à venir l’encourager. Il faut continuer dans cette voie. Pour ce qui est de notre objectif, je crois qu’il s’agit plutôt d'un idéal vers lequel il faut tendre. Même si nous devenions un jour le club le plus inclusif du pays, nous voudrions toujours en faire davantage."

C’est précisément cette mentalité qui fait de Brentford l’une des équipes à suivre dans les prochaines années.

Cet article fait partie de notre série consacrée au football féminin et aux femmes dans le football, pour célébrer la Journée internationale des droits des femmes 2021. Pour en savoir plus sur la stratégie et les programmes de développement du football féminin de la FIFA, et pour lire d'autres articles comme celui-ci, cliquez ici.