mardi 09 juin 2020, 05:40

Gigliani, pour la beauté du geste

  • Sasha Gigliani est footballeuse et mannequin

  • L'Argentine de 26 ans combat les préjugés

  • Elle rêve d'intégrer l'équipe nationale

Quand Sasha Gigliani est arrivée à La Paz en tant que Miss Argentine pour participer à l’élection de la Reine Hispano-Américaine Internationale 2020, elle portait un ballon sous le bras. Malgré les regards interloqués des autres concurrentes, l’attaquante de Vélez Sarsfield ne s’est pas démontée. À 26 ans, elle a appris à dribbler les préjugés.

"Quand tu joues au foot, certains te considèrent encore comme un garçon manqué, comme une fille qui n’est pas très féminine. Il y en a aussi qui cataloguent les mannequins comme des filles superficielles, qui se contentent d’être belles. Moi, je ne rentre dans aucune de ces cases", prévient-elle au micro de FIFA.com. "Je suis footballeuse et mannequin, mais je suis une femme avant tout. Je ne fais pas seulement ces deux choses. Je veux que le mannequinat aide à renforcer le football féminin de façon générale", ajoute Sasha, qui n’hésite pas un seul instant au moment de formuler son vœu : "Faire une grande carrière dans le football. Mieux encore, j’aimerais devenir la meilleure joueuse du monde".

La passion du ballon rond

Sasha a attrapé le virus du football par son grand-père, Faustino, qui s’occupait du terrain du club de Saladillo, sa ville natale, située à 180 km de Buenos Aires, dont l’économie repose sur l’agriculture et l’élevage. "J’avais six ans et il m’emmenait avec lui quand il allait tondre la pelouse. Moi, je voyais les garçons et j'avais envie de jouer aussi. Il l’a accepté et il m’a dit qu’en commençant très jeune, j’allais apprendre beaucoup de choses. D’ailleurs, il me donne encore des conseils."

Sasha a joué avec les garçons jusqu’à ce que Francisco prenne lui-même l’initiative de créer la première équipe féminine de la ville. "Certains l’ont critiqué, mais il s’en fichait. Ça aussi, ça m’a été utile", souligne Sasha, qui avait commencé sur l’aile droite car elle était "très rapide", avant de devenir l’un des plus grands gabarits de son équipe. "Compte tenu de mon physique, mais aussi de ma capacité à jouer en pivot et en remises, j’ai été replacée avant-centre. J’ai terminé plusieurs fois meilleure buteuse."

Quand elle était jeune, elle aimait bien faire des spectacles, mais en grandissant, elle a trouvé un autre centre d’intérêt : les concours de beauté. "L’élection de la reine du carnaval était populaire et j’aimais bien ça. À 15 ans, j’ai postulé pour l’élection de Miss Saladillo et à 18 ans, j’ai commencé les sélections pour Miss Argentine", résume-t-elle, avant de préciser : "Pour moi, la beauté est toujours allée au-delà de l’aspect purement physique. Les femmes ont d’autres capacités, comme celle d’étudier et de travailler. Et je n’ai jamais envisagé de laisser tomber le football."

La rencontre de deux passions

À 19 ans, fidèle à ses convictions, elle est partie faire ses études à l’université de Buenos Aires, "consciente qu’il y avait du football féminin là-bas et qu’à défaut, une autre équipe allait voir le jour". Après s’être essayée à la communication médias puis aux relations publiques, elle s’est découvert une vocation d’ambassadrice sportive. À l’époque, elle évoluait à Vélez Sarsfield, même si le club ne disputait aucune compétition officielle.

Quand le Fortin a commencé à évoluer en troisième division, Gigliani poursuivait le processus de sélection pour Miss Argentine et elle travaillait pour payer ses factures. "Ma priorité, c’était déjà le football, mais il m’est arrivé d’avoir tout juste le temps de me démaquiller pour aller à l’entraînement", glisse celle pour qui cette aventure a été une révélation. "Ce concours de miss et le marketing, ce sont des outils. C’est avec le soutien des marques que nous grandirons en tant que joueuses car le football féminin manque d’argent. On doit toutes maîtriser cet aspect-là, par exemple pour savoir nous comporter devant les médias."

Et dans ce domaine, l’attaquante ne tolère aucune différenciation entre les sexes. "Qui se permettrait de faire des commentaires à Cristiano Ronaldo au sujet des publicités qu’il fait ? Personne. Alors pourquoi viendrait-on me faire des reproches ?", lance Gigliani, qui s’identifie à Lindsey Holland, Alex Morgan et Milagros Menéndez. "Je travaille tous les jours pour devenir l’avant-centre titulaire à Vélez, et jouer en équipe nationale. David Beckham était prisé car c’était un bon joueur. Ça ne se limitait pas à son image. Je veux que ce soit pareil avec moi", affirme-t-elle.

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Joue-la comme Beckham

Si elle reconnaît volontiers qu’elle a "davantage le trac pour un match que pour un défilé", il en a été autrement quand elle a porté l’écharpe de Miss Argentine Hispano-Américaine. "Là, on représente son pays donc on a davantage la chair de poule."

Une situation qui, combinée à la prestation de ses compatriotes à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019™, lui donne encore plus envie de revêtir la tunique albiceleste, "même si ce n’est qu’une seule fois et sur le banc". "Elles ont démontré que nous sommes à la hauteur. Et j'imagine ce que ça donnerait s’il y avait du football mixte à l’école jusqu’à 12 ans ou si l’on touchait toutes un salaire minimum ! Il y a de grandes choses à faire", analyse-t-elle.

Sasha est consciente qu’elle peut servir d’exemple à d’autres jeunes filles, mais elle a encore du mal à renverser les préjugés qui entravent sa route. "Ce que j’aimerais faire me dépasse. Je ne me considère pas comme le porte-drapeau d’une cause. Je suis encore loin du compte pour m’accomplir pleinement", conclut-elle.