jeudi 27 août 2020, 01:46

Spielmann élargit l'horizon de Tahiti

  • Stéphanie Spielmann a participé au Programme de mentorat des entraîneurs de la FIFA

  • La sélectionneuse de Tahiti n’a pas tardé à appliquer les conseils de son mentor

  • "Nous n’en sommes qu’au début", assure-t-elle à propos du développement du football féminin

À Tahiti, Stéphanie Spielmann travaille depuis 2014 pour développer le football féminin en tant que sélectionneuse de l’équipe nationale. Pour l’aider dans cette ambitieuse mission, la technicienne a pu compter sur le Programme de mentorat des entraîneurs de la FIFA.

"C’était incroyable. J’ai eu la chance de trouver le mentor idéal en la personne d'Ives Semeels, le sélectionneur de la Belgique. Il m’a appris énormément de choses", explique Spielmann à FIFA.com. Un conseil en particulier l’a marquée : "Il m’a dit un jour : 'Stéphanie, on ne peut pas tout faire tout seul. Tu dois trouver des gens pour t’épauler dans ton travail. Tu ne peux pas être à la fois entraîneur, médecin, conducteur de bus, etc. En t’entourant, tu vas énormément progresser car tu pourras te concentrer sur le terrain'. Il m’a conseillé de former ma propre équipe, en m’appuyant sur des gens en qui j’avais confiance".

La Française n’a pas tardé à mettre ce conseil en pratique. Deux personnes seulement étaient rattachées à l’équipe nationale féminine avant le début du programme ; deux ans plus tard, elles sont dix. Les sélectionneurs adjoints des équipes U-17 et U-19 se sont ainsi vu confier les rênes de leurs sélections respectives. "Maintenant, je m’occupe uniquement de l’équipe nationale et c’est très bien comme ça. Quand j'étais en charge des trois sélections, j’avais beaucoup trop de travail", admet Spielmann. "Nous avons mis en place une nouvelle organisation et nous fonctionnons en équipe. Il m’arrive de côtoyer les U-17 sur le terrain. J’observe ce qui se passe et je donne quelques conseils à l’entraîneur. C’est un système qui convient à tout le monde. Pour les filles aussi, tout est clair. Si j’invite une internationale U-19 à rejoindre l’équipe nationale, elle sait ce que j’attends d’elle."

"Nous avons tous les mêmes principes et nous fonctionnons avec les mêmes règles", poursuit Spielmann. "Nous avons avec nous deux kinésithérapeutes, qui connaissent toutes les filles. C’est nouveau pour nous. Il y a deux ans, nous n’avions personne pour nous aider. Quand une joueuse se blessait, il fallait attendre qu’elle se remette."

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Patience et expérience

La sélection U-17 de Tahiti a été officiellement créée il y a trois ans de cela ; les U-19, quant à elles, ne se réunissent que depuis un an seulement. Cet élargissement marque la première étape de la stratégie tahitienne pour le football féminin. En 2018, Tahiti a participé à la Coupe des Nations Féminine de l’OFC, qui faisait office de compétition préliminaire pour la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2019™. L’Océanie compte un seul représentant en phase finale.

"Nous savions que cet unique billet reviendrait à la Nouvelle-Zélande, car cette équipe a encore une grosse avance sur les autres formations de la région", reconnaît Spielmann. "Nous avons pensé : 'nous n’irons pas en France, c’est sûr. Dans ces conditions, à quoi pouvait servir cette Coupe des Nations ?' Nous avons finalement décidé de convoquer nos joueuses les plus prometteuses afin de leur permettre d’acquérir un peu d’expérience du haut niveau. Nous avons fait la même chose un an plus tard, aux Jeux du Pacifique. Quelques internationales U-19 ont donc déjà eu l’occasion de jouer en équipe nationale. Nous avons remporté la médaille de bronze des Jeux et je pense que c’est une conséquence directe de ces choix", confie Spielmann lorsqu’on l’invite à détailler sa stratégie.

"Pour développer le football féminin à Tahiti, nous sommes pratiquement partis de zéro. Nous voulions vraiment travailler avec les jeunes car il y a de très bonnes joueuses ici. Nous avons du temps devant nous. Il est encore trop tôt pour penser à la Coupe du Monde. Nous devons faire preuve de patience. Nous avons également décidé d’envoyer les jeunes filles les plus talentueuses en France métropolitaine, pour les aider à progresser. Nous avons commencé en 2017. Aujourd’hui, nous avons huit filles en France. C’est quelque chose dont je suis très fière. Ça prouve qu’à Tahiti, nous faisons du bon travail."

Mais ce n’est qu'un début. Dans un deuxième temps, Tahiti veut créer plusieurs équipes de jeunes, avec l'idée qu'une équipe nationale forte doit s’appuyer sur une formation de qualité. La tâche n’a rien d’évident, surtout quand on sait que la Polynésie française se compose de 118 îles. "Ce n’est pas simple de visiter chaque île pour expliquer comment créer un championnat et une équipe. Grâce au soutien financier de la FIFA, j’ai maintenant la possibilité de me rendre partout", se réjouit l’ancienne joueuse du FC Vendenheim.

"J’ai réalisé une présentation dans laquelle j’explique ce qu’est le Classement FIFA et pourquoi il est si important pour nous d’être présentes au niveau international. Au cours des dix dernières années, nous n’avons joué que deux matches amicaux. C’était à Tahiti, contre les Îles Cook. J’ai essayé de faire comprendre à mes interlocuteurs à quel point c’était important pour notre développement. Si nous voulons qu’un jour, l’Océanie ait une deuxième place en phase finale, il faut que toutes les équipes progressent. Si nous ne sommes pas au niveau, les choses ne bougeront pas. La prochaine édition sera organisée conjointement par l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Si nous n’agissons pas rapidement, le train partira sans nous. Nous avons l’occasion de réaliser quelque chose d’exceptionnel. Nous faisons de l’excellent travail, mais il ne faut pas laisser passer notre chance."

Les arguments de Spielmann ont été entendus. Si tout se passe comme prévu, Tahiti disputera des matches amicaux en février 2021 et la sélectionneuse a déjà sa petite idée sur la façon d’organiser ce rendez-vous : un tournoi amical adossé à un séminaire à Auckland, en Nouvelle-Zélande. "J’ai toujours beaucoup d’idées", conclut-elle avec un sourire plein de détermination