mardi 14 juillet 2020, 06:36

La légende du roi roumain fou de foot

En 1930, Carol II monte sur le trône de Roumanie et fait aussitôt connaître la première des priorités royales : participer à la Coupe du Monde de la FIFA, Uruguay 1930™. Insolite en soi, son dessein relève en outre de la gageure quand on sait que 35 jours seulement séparent sa prise de pouvoir du coup d’envoi de l’édition inaugurale du tournoi.

Mais rien ne saurait entamer le bel optimisme du monarque de 37 ans, pas plus le manque de temps que l’inexpérience des Tricolorii, dont le baptême du feu international remonte à huit petites années. Après bien des efforts, Carol II parvient à ses fins à trois jours de la clôture des inscriptions. Il lève immédiatement toutes les suspensions pesant sur les joueurs et sélectionne lui-même l’équipe, au lieu d’en laisser le soin à l’entraîneur Costel Radulescu.

Reste une broutille à régler : une partie des meilleurs footballeurs roumains travaille pour une compagnie pétrolière britannique qui leur refuse le congé de trois mois nécessaire pour participer au tournoi et prévient que les absences seront sanctionnées par des licenciements. Un coup de téléphone du roi, assorti de la menace de fermeture de l’entreprise, incitera très vite le pétrolier à revoir sa position...

C’est ainsi que, le 21 juin 1930, les Roumains prennent leurs quartiers sur le Conte Verde à Gênes. La sélection française et le président de la FIFA, Jules Rimet, qui transporte le trophée dans sa valise, montent à bord à Villefranche-sur-Mer, suivis des Belges qui les rejoignent à Barcelone. Le luxueux paquebot italien met ensuite le cap sur Rio de Janeiro, où la Seleção doit embarquer.

Pendant la traversée de 16 jours, Radulescu astreint ses 19 joueurs à des séances physiques sur l’un des dix ponts du vaste transatlantique. Mais dès qu’il s’agit de taper dans la balle, il lui faut compter avec un 20ème homme car, vous l'aurez deviné, le roi Carol II est incapable de résister à un dribble.

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La mort d'un roi, la naissance d'une passion

La Roumanie est versée dans le Groupe 3 de trois équipes, dont seule la première accèdera aux demi-finales. 50 secondes après son entrée en lice face au Pérou, elle prend l’avantage grâce à Adalbert Desu. Seuls huit footballeurs ont fait mieux en 19 éditions de l'épreuve mondiale : Hakan Sukur, Vaclav Masek, Ernst Lehner, Bryan Robson, Bernard Lacombe, Emile Veinante et Arne Nyberg. Les Sud-Américains égalisent à 15 minutes de la fin mais, faisant fi de la fatigue inhérente à la longue traversée, les Tricolorii inscrivent deux autres buts par Constantin Stanciu et Nicolae Kovacs pour l’emporter 3-1.

Lors de leur sortie suivante, les Roumains affrontent l’Uruguay, qui aligne des pointures du calibre de José Andrade, José Nasazzi, Pedro Cea et Hector Scarone. Leur défaite 0-4 aux mains du futur champion du monde n’a rien d’humiliant et ils quittent le tournoi la tête haute.

Le football va dès lors connaître un essor spectaculaire en Roumanie, au point de devenir une véritable obsession nationale. "Les Roumains adorent le football", explique Gheorghe Hagi, le Maradona des Carpates. "Leur passion est indescriptible."

Contraint d’abdiquer en 1940, Carol II est décédé au Portugal 13 ans plus tard. Les annales de la nation d'Europe centrale perpétueront cependant à jamais la légende du roi fou de foot à l’origine de la folle histoire d’amour entre les Roumains et le beau jeu.

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