vendredi 20 juillet 2018, 11:30

Cherchesov fait le bilan avant d'aller de l'avant

  • La Russie a fait le bonheur de ses supporters pendant la Coupe du Monde 2018

  • Le pays hôte est passé tout près des demi-finales

  • Le sélectionneur Stanislav Cherchesov nous explique les raisons de ce succès

De l'avis général, la Coupe du Monde de la FIFA 2018™ restera comme une somptueuse fête du football. Or, force est de constater que les performances de la Russie ne sont pas étrangères à ce phénomène. FIFA.com s’est entretenu avec le sélectionneur de la Sbornaya Stanislav Cherchesov pour tenter de comprendre comment son équipe avait déjoué les pronostics et atteint les quarts de finale. Les Russes auraient même pu aller encore plus loin, si une défaite aux tirs au but n’avait pas sanctionné leur long combat contre la Croatie.

"Avant toute chose, le mérite en revient aux organisateurs", souligne le technicien en guise de préambule. "Après avoir gagné le droit d’accueillir la Coupe du Monde, nous avons dû convaincre tous ceux qui avaient voté pour nous qu’ils avaient fait le bon choix. Nous avons donc appliqué un très haut niveau d’exigence à toute l’organisation du tournoi. Je ne dis pas ça par vantardise ; tous nos invités vous le confirmeront. C’est une question essentielle car, sans cette organisation millimétrée, aucune équipe, la nôtre y compris, n’aurait pu se présenter sous son meilleur jour."

Préparation

"Nous nous sommes préparés pendant deux ans, afin de remplir cet objectif. Au cours de cette période, nous avons entamé une procédure de sélection au sein du groupe. Malheureusement, comme beaucoup d’équipes, nous avons dû faire face à des blessures. Nous avons tenté de résoudre tous les problèmes, puis nous nous sommes concentrés sur les joueurs que nous avions à notre disposition et sur nos premiers adversaires. Avant la Coupe du Monde, nous avons organisé un stage au Tyrol, qui s’est très bien passé. Nous connaissions bien les lieux pour les avoir déjà visités avant la Coupe des Confédérations un an plus tôt. Ce tournoi a fait office de répétition générale pour nous. Il nous a permis de mesurer nos faiblesses et de les corriger avant le grand rendez-vous."

"Nous avons compris que nous ne pouvions pas nous contenter de gagner le match d’ouverture ; il fallait le faire avec la manière. C’était indispensable pour que nos supporters croient à nouveau en nous. Après ce match, toute la Russie a commencé à se prendre au jeu. Nos compatriotes ont attendu patiemment et parfois nerveusement cette Coupe du Monde. Mais dès le premier match, l’équipe et ses supporters étaient sur la même longueur d’onde."

Heure espagnole

La large victoire (5:0) sur l’Arabie Saoudite a surpris tout le monde, mais la Sbornaya ne s’est pas reposée sur ses lauriers. Dès le match suivant, le pays hôte a validé son billet pour les huitièmes de finale. La défaite contre l’Uruguay lors de la troisième journée a vite été oubliée, grâce à l’une des plus énormes surprises de cette édition : contre toute attente, les Russes ont sorti l’Espagne au tour suivant. En quart de finale, les hôtes ont trouvé sur leur route la Croatie. Les deux équipes ont offert au public un spectacle mémorable par son intensité et son suspense. Mais quelle a été la performance la plus aboutie selon le sélectionneur ?

"Sur le plan émotionnel, c’est le match contre l’Espagne, évidemment", lance Cherchesov spontanément. "Mais au niveau technique, je pense que notre prestation face à l’Égypte était plus convaincante. Nous savions ce que nous avions à faire et nous avons obtenu la victoire qui nous a ouvert les portes des huitièmes de finale. Un père de famille ne doit jamais montrer de préférence parmi ses enfants. Le sélectionneur que je suis apprécie donc ces cinq matches. Chacun, à sa manière, nous a offert son lot de satisfactions et nous a donné matière à réflexion.”

Défense

"Nous voulions gagner contre l’Uruguay, mais nous avons surtout tenu à ne pas changer notre stratégie. Nous voulions que notre prochain adversaire pense que nous garderions le même schéma, quelles que soient les circonstances", poursuit Cherchesov. "Nous avions joué avec cinq défenseurs par le passé, mais juste avant la Coupe du Monde, nous avons opté pour une défense à quatre. Je crois que ces changements ont perturbé les Espagnols. Ils n’ont pas trouvé la parade. Je suis néanmoins très reconnaissant envers mes joueurs, qui ont su appliquer mes consignes à la lettre", rappelle-t-il.

Beau quart

Quand Igor Akinfeev a détendu sa jambe pour repousser la tentative de Iago Aspas, tout le pays a laissé exploser sa joie. Malgré la défaite, les supporters russes ont encore vécu d’autres grands moments de football. En effet, le quart de finale contre la Croatie restera sans doute comme l’un des duels les plus excitants de cette Coupe du Monde.

"Je n’aurais pas osé vous le dire, de peur de vous paraître prétentieux", répond le sélectionneur russe en souriant. "Mais puisque vous l'évoquez... Pour moi, c’est l’un des meilleurs matches du tournoi, tant par son intensité que par la qualité du jeu proposé."

Talents

La Russie a marqué 11 buts dans cette Coupe du Monde. Trois d’entre eux figurent parmi les candidats au titre de but du tournoi, un exploit que seule la Belgique, meilleure attaque de la compétition, a pu égaler. Comme la Sbornaya s'y est-t-elle prise pour associer ainsi réalisme et panache ?

"Nous avons des joueurs très talentueux", répond Cherchesov. "Chacun a sa petite spécialité, pour ainsi dire. [Aleksandr] Golovin est très adroit sur coups de pied arrêtés et il a une belle frappe de balle. [Denis] Cheryshev possède un pied gauche extraordinaire et tout le monde sait de quoi Artem Dzyuba est capable. Mes joueurs étaient concentrés et bien préparés. Mais leur mérite ne se résume pas à quelques jolis buts. C’est pour ça qu’ils sont convoités par de grands clubs européens aujourd’hui. Nous en sommes très heureux."

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Bilan

La présence de la Russie en quart de finale constitue évidemment une réussite, mais le sélectionneur et ses joueurs n’entendent pas en rester là, comme ils l’ont confié à demi-mots après la douloureuse défaite aux tirs au but contre la Croatie. Maintenant que le rideau est tombé et que les nouveaux champions du monde ont été couronnés, l’heure est venue de dresser tranquillement le bilan de cette compétition.

"Si l’on se penche sur nos performances, notre qualification pour les quarts de finale peut être considérée comme satisfaisante", reconnaît Cherchesov. "La Croatie a battu l’Angleterre et elle n’a pas démérité en finale. On peut donc en conclure que la Russie mérite une bonne note. Mais il n’y a qu’un seul trophée et c’est la France qui l’a gagné..."

"Nous avions fait un bon match contre les Bleus en mars et nous avions pu mesurer leurs qualités à l’époque. Nous avons essuyé quelques critiques à cause de nos résultats en amical contre l’Argentine, l’Espagne, le Brésil et la France, mais ces rencontres nous ont livré beaucoup de renseignements précieux dans le cadre de notre préparation pour la Coupe du Monde. Nous aurons encore l’occasion d’affronter la France et je pense que l’expérience acquise nous permettra de mieux nous en tirer. Mais, dans le sport, il n’y a qu’une vérité : la France est championne du monde et je tiens à féliciter mon collègue Didier Deschamps. J’ai été surpris de voir la façon dont les stars de l’équipe de France ont su s'effacer au profit du collectif."

Et demain ?

"Tout change, tout évolue. Quelques joueurs ont pris leur retraite internationale, même si j’ai eu l’occasion de plaisanter en rappelant que [Sergei] Ignashevich avait déjà annoncé qu’il quittait la sélection il y a deux ans. Il a intérêt à ne pas changer de numéro de téléphone, on ne sait jamais ! Il y a eu beaucoup d’émotion pendant un mois. Les supporters étaient ravis mais, maintenant, le moment est venu d’évaluer calmement notre parcours. Il faut analyser nos performances et préparer l’avenir."

Au cours d’une cérémonie très émouvante en l’honneur de la Sbornaya à Vorobyovy Gory, Cherchesov a laissé entendre que cette équipe pourrait aller encore plus loin dans quatre ans, au Qatar.

"Si je ne le pensais pas, je ne l’aurais pas dit", assure le sélectionneur. "Les joueurs et les entraîneurs changent, mais l’équipe de Russie est toujours là. Peu importe qui sera présent dans quatre ans ; l'important, ce sera de soutenir cette équipe et d'y croire jusqu’au bout", conclut-il.