lundi 01 mai 2017, 06:57

17 octobre 1973 : Le clown polonais fait pleurer Wembley

Régulièrement, FIFA.com revient sur les moments magiques et les surprises inoubliables qui ont fait l'histoire du football. Nous sommes en octobre 1973. A cette époque, le triomphe de l'Angleterre en finale de la Coupe du Monde de la FIFA 1966 était encore dans toutes les mémoires. Pour se qualifier pour RFA 1974, les Anglais doivent cependant impérativement battre la Pologne à domicile...

Le contexte

17 octobre 1973, Wembley, Londres

Angleterre 1:1 Pologne

But : Clarke (63' s.p.) pour l'Angleterre ; Domarski (55') pour la Pologne

Angleterre : Shilton, Madeley, Hughes, Bell, McFarland, Hunter, Currie, Channon, Chivers (Hector 85), Clarke, Martin Peters (c)

Pologne : Tomaszewski, Szymanowski, Gorgon, Musial, Bulzacki, Kasperczak, Lato, Cmikiewicz, Denya (c), Domarski, Gadocha

A l'époque

L'Angleterre débute son parcours dans le Groupe 5, qui ne compte que trois équipes, par une courte victoire 1-0 face au Pays de Galles. Mais au match retour, les Gallois parviennent à arracher le match nul 1-1. Après avoir mené son équipe au sacre mondial en 1966, Sir Alf Ramsey fait l'objet de critiques de plus en plus vives. On lui reproche pêle-mêle son style de jeu attentiste et ses remplacements peu inspirés.

C'est dans ce climat délétère que les Anglais s'inclinent 0-2 en Pologne. Entretemps, le Pays de Galles et la Pologne ont remporté leur match à domicile, mais les Slaves possèdent une meilleure différence de buts. A la veille de la rencontre, la situation est sans équivoque : les Trois Lions doivent impérativement battre les Polonais pour obtenir leur qualification pour RFA 1974.

Malgré une situation d'ensemble difficile, la tâche ne semble pas insurmontable. Les commentaires d'avant-match de Brian Clough résument à eux seuls l'ambiance qui entoure cette partie. Le manager de Nottingham Forest n'hésite pas à comparer Gorgon, le défenseur polonais, à "un boxeur en crampons". Le gardien Jan Tomaszewski n'est pas épargné non plus. Son maillot jaune, son short rouge et ses chaussettes blanches lui valent d'être considéré comme "un clown avec des gants". Evidemment, ces remarques malheureuses prendront une toute autre résonance au coup de sifflet final...

Le match

Dès le coup d'envoi, l'Angleterre fait le siège du but polonais, mais les attaquants ne sont pas dans un grand jour, et Tomaszewski multiplie les exploits sur sa ligne. Le score reste vierge jusqu'à la 55ème minute. Norman Hunter laisse filer Grzegorz Lato sur le côté gauche. L'ailier polonais sert Jan Domarski sur la droite, lequel n'a plus qu'à glisser le ballon hors de portée de Peter Shilton.

Moins de dix minutes plus tard, l'Angleterre revient au score sur penalty, après que Martin Peters eut été bousculé à l'entrée de la surface de réparation. Clarke exécute la sentence, mais la tension est palpable. Les Anglais reprennent leur bombardement, mais la réussite n'est pas au rendez-vous. Il suffit cependant de jeter un œil aux statistiques pour se faire une idée de la physionomie de la rencontre : 35 tirs pour l'Angleterre, deux pour la Pologne.

A trois minutes du coup de sifflet final, Ramsey tente un ultime coup de poker en remplaçant Martin Chivers par Kevin Hector. La décision peut sembler bien tardive mais le sélectionneur anglais, malchanceux jusqu'au bout, est en fait victime d'un nouveau coup du sort : sa montre s'est arrêtée pendant le match ! Malgré tout, la décision aurait pu s'avérer payante, si la reprise de la tête d'Hector n'avait pas été repoussée sur la ligne par un défenseur polonais dans les dernières secondes. Mais il était écrit que l'Angleterre ne parviendrait jamais à venir à bout d'un adversaire qu'elle avait sous-estimé.

Le héros

Le "clown" a eu le dernier mot. Jan Tomaszewski a réalisé ce jour-là une performance étonnante à Wembley. Faisant preuve de fantaisie, le gardien polonais a assuré l'essentiel en déjouant toutes les tentatives des attaquants anglais. Frank Keating, journaliste au Guardian, était le premier surpris : "Pendant tout le match, il s'est promené dans sa surface de réparation en sautillant comme une marionnette de foire et tout ça sans jamais se départir de cette espèce de sourire moqueur. En le voyant, on aurait juré qu'il disputait là le premier match de sa carrière".

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Entendu...

"Je me souviens de la dernière chose que Kazimierz Gorski nous a dite avant le match : 'Vous pouvez jouer pendant 20 ans et disputer plus de mille matches en équipe nationale sans que personne ne se souvienne de vous. Mais, ce soir, vous avez l'occasion d'entrer dans l'histoire'. Il avait raison. Je n'ai sans doute pas fait le meilleur match de ma carrière ce jour-là, mais j'ai eu beaucoup de chance" - Jan Tomaszewski, gardien de but de la Pologne

"Je me souviens très bien de ce match. Notre gardien n'avait pas été le seul à être excellent, nos défenseurs étaient également dans une forme étincelante. Les trois dernières minutes furent les plus longues de toute ma carrière. J'avais l'impression que chaque seconde durait une heure" - Grzegorz Lato, attaquant de la Pologne

"Les choses étaient en train de mal tourner. Dans ces moments-là, il faut parfois prendre des mesures radicales. Jerzy Gorgon m'a à peine touché, mais je suis tombé. J'ai plongé. Il n'y avait pas penalty, mais l'arbitre en a décidé autrement" - Martin Peters, capitaine de l'Angleterre

Et après ?

Dès le lendemain, toute la presse se déchaîne. The Sun parle de "la fin du monde", tandis que le Daily Telegraph s'interroge sur "l'avenir de Sir Alf". De fait, le sélectionneur national sera débarqué six mois plus tard, remplacé par Don Revie. L'Angleterre devra attendre sept ans avant de se qualifier à nouveau pour une Coupe du Monde de la FIFA.

Pendant ce temps, la Pologne prouvera qu'elle n'a pas usurpé sa qualification en réalisant un superbe parcours lors de la Coupe du Monde de la FIFA. Battus 0-1 par la RFA, les Polonais se consoleront en arrachant la troisième place aux dépens du Brésil.