mardi 08 novembre 2016, 09:54

Klinsmann : "À chaque match, nous devons faire nos preuves"

Jürgen Klinsmann a connu les grandes rivalités au plus haut niveau. Au micro de FIFA.com, le sélectionneur des États-Unis et ancien vainqueur de la Coupe du Monde et de l'UEFA EURO avec l'Allemagne explique ce qui fait des confrontations entre les États-Unis et le Mexique des matches aussi tendus, ce dont on devrait avoir une nouvelle illustration lors de la prochaine édition du Clasico de la CONCACAF.

Deuxième du Ballon d'Or 1995, l'ancien avant-centre s'exprime également sur le défi particulier que constitue ce tournoi "hexagonal". Il parle de l'avantage que représente le fait de jouer à domicile dans l'Ohio et se dit aussi impatient que n'importe quel fan des États-Unis de voir à l'œuvre la petite merveille de Dortmund, Christian Pulisic.

Jürgen, vous avez affronté le Mexique à sept reprises en tant que sélectionneur des États-Unis. Qu'est-ce qui rend cette rivalité aussi particulière ? C'est unique, car c'est une confrontation qui va bien au-delà du football. Cela s'inscrit aussi dans une tradition footballistique qui existe dans le monde entier, où certaines équipes se définissent par rapport à leur plus grand rival. C'est le cas entre l'Argentine et le Brésil, les Pays-Bas et l'Allemagne, l'Italie et la France. Il y a beaucoup d'autres exemples, sans parler de tous les derbies entre clubs.

En quoi l'intensité est-elle particulière dans les matches entre les Stars and Stripes et El Tri ? Dans cette partie du monde, c'est LE match. Ce sont les deux grands de la zone qui s'affrontent, avec un enjeu qui va bien au-delà du résultat. Ça donne donc des matches très chauds. Mais en même temps, et on l'oublie parfois, il y a beaucoup de respect entre les deux équipes. Depuis cinq ans que je suis sélectionneur, chaque confrontation entre les États-Unis et le Mexique s'est déroulée dans un climat d'intensité et de respect. On n'a jamais dépassé les limites.

Les Américains doivent-ils faire leurs preuves quand ils affrontent le Mexique ? Les Mexicains ont une histoire footballistique plus riche que la nôtre et ils ont aussi plus de joueurs que nous dans les grands clubs étrangers. Ils ont une culture du football plus profonde. À chaque match contre eux, nous devons faire nos preuves, et je pense que c'est bien comme ça. Les joueurs savent que c'est un très grand match. Ils savent qu'aux États-Unis, tout le monde va le regarder. C'est une scène gigantesque, une occasion spéciale, en particulier quand il s'agit des qualifications pour la Coupe du Monde. Pour un footballeur aux États-Unis, c'est LE match à disputer.

Si vous aviez le choix, préféreriez-vous jouer le Mexique et le Costa Rica un peu plus tard dans l'Hexagonal ? Oui, si cela ne tenait qu'à nous, on réarrangerait un peu le calendrier. Mais la question ne se pose pas et nous prenons les choses comme elles viennent. Pour moi, c'est même très bien comme ça : commencer à domicile contre le Mexique et aller au Costa Rica quelques jours plus tard. Ce sera un autre très gros défi. Ça va s'enchaîner très vite, d'abord notre plus grand rival, ensuite notre deuxième plus grand rival. Mais après tout, c'est la même chose pour eux !

Le stade de Columbus, dans l'Ohio, est devenu une forteresse pour vous. Vous y avez gagné les quatre derniers Clasicos en qualifications. Ce stade joue-t-il un rôle ? Oui, un rôle très important même. C'est un stade relativement petit, où nous pouvons compter sur l'appui de 90 à 95 pour cent du public, ce qui n'est pas toujours le cas dans les plus grandes enceintes, où on se retrouve parfois avec plus de supporters du Mexique que des États-Unis. C'est normal, c'est quelque chose que je comprends complètement, mais à Columbus, c'est différent. Au fil des années, nous avons créé une véritable aura dans cette ville. Nous avons gagné tellement de fois sur ce score de 2:0, qu'on finit par se dire que l'endroit est magique. C'est bien pour les joueurs, pour les fans, et pour la ville de Columbus. Contre le Mexique, nous sommes chez nous à Columbus !

Quelle importance cela a-t-il de bien commencer l'Hexagonal ? C'est crucial. Les premiers résultats comptent beaucoup. On l'a vu avec le Mexique lors des dernières qualifications. Après un mauvais début, ils ont fait je ne sais combien de changements d'entraîneur, et finalement, ils ont dû passer par les barrages pour atteindre Brésil 2014. Nous avions nous aussi mal commencé, avec une défaite contre le Honduras, et cela avait créé un début de doute. D'un autre côté, mieux vaut se rater d'entrée que plus tard, car cela laisse le temps de se rattraper. Mais nous voulons prendre le meilleur départ possible.

Votre seule défaite contre le Mexique remonte à il y a un an, lors de cet unique match sur lequel se jouait la qualification pour la Coupe des Confédérations de la FIFA 2017. Qu'avez-vous retenu de cette rencontre ? Ce fut un grand match, fantastique même, très disputé. L'atmosphère dans les tribunes était incroyable, même si malheureusement pour nous, il y avait plus de supporters du Mexique. Il faut reconnaître que sur ce match, les Mexicains ont été meilleurs que nous. Leur victoire est méritée. Il faut savoir digérer ce genre de défaites, sans pour autant les oublier. Elles doivent servir à progresser. Quand on perd, il y a toujours des raisons. Tout le travail consiste à corriger les erreurs, pour ne pas les répéter.

Quand vous avez commencé comme sélectionneur de la sélection américaine, vous aviez dit espérer trouver un "Messi caché" aux États-Unis. L'avez-vous trouvé avec Christian Pulisic ? C'est un joueur qui a un potentiel illimité. J'ai toujours dit qu'il appartenait aux footballeurs d'écrire leur propre histoire. C'est exactement ce qu'il est en train de faire. C'est rare aux États-Unis de voir un joueur aussi développé à un âge aussi précoce. En Europe, quand vous êtes bon, on ne vous demande pas votre âge. Il a pris en main son propre destin. Il est la pièce manquante de notre puzzle et constitue en même temps un formidable exemple à suivre pour les autres joueurs qui souhaitent évoluer au plus haut niveau. Ce qu'il est en train de faire à Dortmund est énorme. Il joue les matches au sommet de la Bundesliga et est même titulaire en Ligue des champions. Qui l'aurait dit il y a un an ?

Comment décririez-vous les défis de l'Hexagonal à quelqu'un qui ne connaît pas bien la CONCACAF ? D'une certaine façon, c'est très simple : il y a six équipes, et vous devez terminer dans les trois premiers. Les déplacements sont très compliqués, non seulement sur le plan logistique, mais aussi au niveau de l'atmosphère. Vous avez cinq matches à l'extérieur où le public est littéralement en ébullition. Chacun de ces cinq matches vous remue. Le système est simple : vous devez gagner à domicile et essayer de ne pas perdre en déplacement. Au fil des années, cette recette a été la bonne pour nous et nous allons essayer de faire en sorte qu'elle fonctionne à nouveau.