jeudi 19 janvier 2017, 09:52

Le bon, la brute et le thriller sévillan

"Les gardiens de but sont généralement plus calmes et sereins aujourd’hui que lorsque je jouais. J’étais une grande gueule à l’époque et on me l’a souvent fait payer. Il faut en avoir le courage. C’est, en fin de compte, une question de caractère."

Harald "Toni" Schumacher a confié ces mots à FIFA.com en 2011, reconnaissant le cocktail explosif qui a fait de lui l’un des joueurs les plus controversés de sa génération. Un match passé à la postérité, pour de bonnes et de moins bonnes raisons, a permis au monde entier de découvrir ses qualités et ses défauts.

La rencontre en question, une demi-finale haletante, à Séville, au cours de laquelle les filets ont tremblé à six reprises entre l’Allemagne et la France, est considérée comme l’une des plus belles de l’histoire de la Coupe du Monde de la FIFA™. Elle fut d’ailleurs à ce point spectaculaire que Michel Platini – malgré sa défaite ce jour-là et ses titres européens, plus tard, en club et en sélection – en fait "le plus beau match de (sa) carrière".

"Nous sommes passés, pendant ces deux heures, par tous les sentiments de la vie", raconte le capitaine de l’équipe de France de 1982. "Aucun film ou aucune pièce de théâtre ne pourrait donner à revire autant de rebondissements et d’émotions. C’était total. Si puissant. C’était fabuleux."

Schumacher s’est retrouvé de part en part sur le devant de la scène. L’image ci-dessus le montre réaliser une parade décisive, face à Maxime Bossis, lors de la séance de tirs au but qui a décidé du sort du match. Le portier de Cologne avait alors déjà détourné la tentative de Didier Six et ouvert la voie à son coéquipier Horst Hrubesch, auteur du penalty scellant la folle remontée des Allemands. "Ils ont fait preuve d’une telle force de caractère", se félicite le sélectionneur, Jupp Derwall, après avoir vu ses joueurs menés 3:1 à 12 minutes de la fin de la prolongation.

Malgré les invitations de Derwall à donner à son équipe "le respect qu’elle mérite", la plupart des discussions d’après-match – et des rétrospectives jusqu’à aujourd’hui – ont tourné autour du plus célèbre incident de la rencontre. Schumacher partage pour le coup le haut de l’affiche avec Patrick Battiston et aucun des deux hommes ne pourra oublier la collision ayant sérieusement blessé le Français et collé à jamais sur son adversaire l’étiquette du méchant. Désastre fondateur Rentré en jeu quelques minutes auparavant, Battiston a été lourdement amoché par la sortie violente du gardien allemand : deux dents cassées, trois côtes brisées et une vertèbre déplacée. Alors qu’il n’a pas semblé se soucier un seul instant du ballon, Schumacher, qui, par miracle, n’a pas écopé de la moindre sanction, a surtout été critiqué pour son indifférence, teintée d’impatience, pendant que le Français se faisait soigner.

Il a expliqué plus tard, dans son autobiographie, que le fait d’être retourné dans sa surface trahissait surtout son inquiétude vis-à-vis de l’étendue des blessures de Battiston. "C’était de la lâcheté", admet-il. "C’était peut-être la première fois de ma vie que je me comportais aussi lâchement."

Battiston n’en garde de son côté aucune rancœur. "Je lui ai pardonné", assure l’ancien joueur de Saint-Étienne et de Bordeaux. "J’ai réalisé avec le temps que les gens l’avaient à jamais associé à ce geste."

Beaucoup estiment par ailleurs en France que cet incident a joué un rôle clé pour souder l’équipe – et le pays – avant la campagne victorieuse, deux ans plus tard, lors du Championnat d’Europe de l’UEFA. "Les gens ont commencé, à partir de cette demi-finale, à se prendre de passion pour le football", souligne pour sa part Gérard Houllier. "Tout le monde considérait cette équipe comme une victime et nous aimons les victimes en France. Nous avons resserré les rangs. Et nous étions sacrés champions d’Europe deux ans plus tard."

Tombé sur la dernière marche d’Espagne 1982, Schumacher, lui, a de nouveau dû se contenter d’une médaille de finaliste, quatre ans plus tard, au Mexique. Personne, et surtout pas Battiston, ne peut en revanche nier qu’il aura à jamais laissé son empreinte sur la Coupe du Monde. Le saviez-vous ? Le ballon de cette demi-finale légendaire de Coupe du Monde figure parmi les pièces uniques du Musée du Football mondial de la FIFA à Zurich.