samedi 19 août 2017, 09:58

Les frères Moon et le sacrifice d'un père

  • Patrick Moon jouait au football en Afrique du Sud pendant l'Apartheid

  • Ses fils font aujourd'hui partie de la sélection nationale 

  • "Ils récoltent les fruits des sacrifices que nous avons faits"

Patrick Moon avait la réputation d'être un excellent joueur. L'époque obscure durant laquelle il jouait l'a cependant privé d'une opportunité que ses deux fils saisissent aujourd'hui : évoluer sur la scène internationale.

Pendant l'Apartheid, le football en Afrique du Sud était divisé par la ségrégation, et ils étaient peu nombreux à franchir les barrières raciales. Il existait toutefois une ligue professionnelle strictement non raciale : la Federation Pro League, qui était affiliée au South African Council on Sport.

Moon évoluait au sein de cette fédération pour les couleurs du Maritzburg United. Au poste d'ailier droit, il a disputé plusieurs saisons de qualité et remporté de nombreux trophées pour le club de la province du KwaZulu/Natal. "Jouer au sein de la Federation n'était pas évident", insiste-t-il au micro de FIFA.com, entouré de sa famille.

"Nous n'avions pas le droit d'utiliser toutes les installations en raison de l'exclusion raciale et, parfois, mes coéquipiers devaient me faire entrer en cachette à l'hôtel lors de nos déplacements à l'extérieur. Le football international nous était également interdit3, ajoute-t-il. "Mais ce sont des sacrifices que beaucoup de personnes ont dû faire en Afrique du Sud. Ils ont tous joué un rôle dans la lutte contre les maux de l'Apartheid et, avec le recul, je suis content d'avoir fait ce sacrifice et d'avoir préparé le terrain pour ceux qui nous ont succédé.”

Tel père, tels fils Parmi les joueurs qui lui ont succédé et se félicitent aujourd'hui des sacrifices des anciens de la Federation, on retrouve les deux fils de Patrick Moon, Bryce et Ryan. Ils évoluent ensemble dans le même club que leur père, Maritzburg.

"Je n'ai malheureusement jamais vu mon père jouer. Il avait déjà arrêté quand j'ai atteint l'âge de pouvoir regarder les matches", confie Bryce. "Mais les pères de mes amis me parlaient de lui et, un jour, il nous a emmenés à la bibliothèque, où nous avons parcouru les archives et vu les articles de presse à son sujet."

Bryce, aujourd'hui âgé de 31 ans, soit 11 de plus que son frère Ryan, a été le premier représentant de la famille Moon à jouer à l'étranger et en sélection nationale. Il a évolué en Irlande et en Grèce et fait ses débuts en équipe nationale sud-africaine en 2007 contre le Botswana.

"Défendre les couleurs de mon pays est l'un des moments forts de ma carrière", souligne-t-il. "L'autre a été de disputer la Ligue des champions avec le Panathinaikos face à des clubs comme l'Inter Milan, le Werder Brême et l'Atlético de Madrid."

Ryan marche à présent sur les traces de son frère puisqu'il vient d'intégrer l'équipe des Bafana Bafana.

Comme dans un rêve Mais contrairement à Bryce, qui s'est fait un nom au poste d'arrière-droit, Ryan évolue en attaque tant pour les Kaizer Chiefs qu'en sélection nationale. Le mois dernier, dix ans après les débuts de son frère contre le Botswana, Ryan a fêté sa première cape internationale face aux mêmes adversaires, inscrivant un but lors de la victoire 2-0. Il a remis le couvert en scorant à nouveau dès sa deuxième sélection.

"Marquer lors de mes débuts a rendu ce moment encore plus spécial. Je suis tellement fier d'avoir suivi les traces de mon frère Bryce. Mon père et lui ont toujours été mes grands modèles", confie l'attauqant.

"Ca me rend triste que mon père ait été privé des possibilités qui s'offrent à nous aujourd'hui, mais je suis fier que le sacrifice que lui et d'autres ont fait me permettent, ainsi qu'à mon frère, de jouer au football sur la scène internationale. D'une certaine façon, il peut vivre ses rêves à travers nous.”

Pour Patrick, l’émotion est toujours aussi intense, de quoi atténuer en partie les regrets passés. "Cela me prend presque à la gorge. Ils récoltent les fruits des sacrifices que nous avons faits et je suis fier d'avoir pu faire ça pour eux."