mardi 04 juillet 2017, 08:00

Miracle iranien et désastre australien

Pour des raisons totalement différentes, la date du 29 novembre 1997 restera gravée à jamais dans l'histoire du football de l'Iran et de l'Australie. Ce jour-là, l'Australie, vainqueur de la zone Océanie, et l'Iran, quatrième de la zone Asie, avaient rendez-vous pour se disputer le 32ème et dernier billet pour la Coupe du Monde de la FIFA, France 1998.

Au terme des 90 minutes, l'une des deux équipes ferait donc son grand retour sur la scène mondiale et mettrait ainsi fin à une longue absence. A cette époque, l'unique qualification australienne pour la phase finale remontait à 1974. Quant à l'Iran, on ne l'avait plus revu en Coupe du Monde de la FIFA depuis son passage à Argentine 1978.

Le match s'est joué au Cricket Ground de Melbourne, théâtre de quelques-uns des plus grands moments de l'histoire sportive australienne. Pourtant, jamais ce stade mythique n'avait encore eu l'occasion de servir de cadre à une rencontre aussi intense.

  • Australie 2:2 Iran - 29 novembre 1997, Melbourne Cricket Ground -

Buts : Kewell (32') et A. Vidmar (48') pour l'Australie ; Bagheri (71') et Azizi (75') pour l'Iran

Australie : Mark Bosnich, Craig Moore (Graham Arnold, 78'), Steve Horvat, Alex Tobin (c.), Stan Lazaridis, Robbie Slater (Tony Vidmar, 76'), Ned Zelic, Aurelio Vidmar (Ernie Tapai, 76'), Craig Foster, Harry Kewell, Mark Viduka

Iran : Ahmad Reza Abedzadeh (c.), Naim Saadavi (Ebrahmi Tahami, 70') (Ali Akbar Ostad Asadi, 84'), Mohammad Khakpour, Mohammad Ali Peyravani, Mehdi Pashazadeh, Hamid Estili, Karim Bagheri, Mehdi Mahdavikia, Reza Shahroudi (Ali Reza Mansourian, 52'), Khodadad Azizi, Ali Daei

A l'époque

Au terme de l'habituel marathon des éliminatoires, les deux équipes abordent ce match décisif en sachant que la qualification ira nécessairement au vainqueur. Une semaine auparavant, Mark Bosnich, le gardien australien, avait multiplié les exploits dans le but australien et permis à son équipe de ramener un précieux match nul (1:1) du stade Azadi de Téhéran, au grand dam des 128 000 supporters iraniens venus assister à la rencontre.

Conscients de l'importance de l'enjeu, les Australiens se sont déplacés en masse assister à ce match-couperet. On dénombre 85 000 spectateurs dans les travées du Cricket Ground.

Sous la conduite de Terry Venables, ancien sélectionneur de l'Angleterre, l'Australie reste sur une série record de 14 victoires consécutives avant sa double confrontation avec l'Iran. Les Socceroos entament donc la partie en confiance.

A l'inverse, les Iraniens n'ont que rarement eu l'occasion de briller en déplacement. Devancée dans son groupe de qualification et dominée par le Japon en Malaisie lors du barrage pour la troisième place, la Melli est au pied du mur. Ce match représente sa dernière chance de qualification.

Le match

Emmenée par son duo d'attaquants Mark Viduka - Harry Kewell, l'Australie fait rapidement le siège du but iranien. Stan Lazaridis et Robbie Slater sèment la panique sur les ailes, tandis qu'Aurelio Vidmar vient régulièrement prêter main-forte à ses attaquants. La domination des Socceroos est telle que les supporters s'attendent à assister à une avalanche de buts.

Ahmad Reza Abedzadeh, le capitaine et gardien de but iranien, parvient cependant à limiter les dégâts en multipliant les arrêts ou en s'en remettant à la chance. Le portier iranien est parfois bien aidé par sa défense, comme lorsque Mehdi Pashazadeh dégage miraculeusement sur la ligne une frappe à bout portant de Kewell.

L'ouverture du score intervient finalement peu après la demi-heure de jeu. Bien servi par Vidmar, le jeune Kewell, 17 ans, glisse le ballon au second poteau, hors de portée d'Abedzadeh. A la mi-temps, Bosnich n'a pratiquement rien eu à faire. Aussi, lorsque Vidmar double la mise trois minutes seulement après le retour des vestiaires, tout le monde se prend à rêver d'une qualification historique de l'Australie. A cet instant, l'emprise australienne sur le match est totale. Les Iraniens ne savent plus où donner de la tête et, lorsqu'ils parviennent enfin à récupérer le ballon, ils se montrent le plus souvent incapables de le conserver.

Dans l'euphorie qui entoure le deuxième but, un spectateur parvient à se glisser sur le terrain et profite de la confusion pour arracher une partie du filet. La partie est interrompue pendant cinq minutes, le temps pour le trio arbitral de faire procéder aux réparations.

Cette pause va permettre aux Iraniens de reprendre leurs esprits. Les expérimentés Ali Daei, Karim Bagheri et Khodadad Azizi commencent enfin à se mettre en évidence, même si, dans un premier temps, les Socceroos paraissent encore maîtres de la situation.

Forte de ses deux buts d'avance, l'Australie a sans doute déjà la tête en France quand Azizi s'infiltre dans la surface de réparation et sert Bagheri, qui réduit le score à 19 minutes du coup de sifflet final. Quatre minutes plus tard, l'impensable se produit : Azizi récupère un long dégagement, prend de vitesse la défense australienne et trompe Bosnich.

Le héros

Khodadad Azizi restera à jamais comme l'une des légendes du football iranien après avoir inscrit le but de la qualification de la Melli pour France 1998. Déjà auteur d'une passe décisive sur le premier but, il s'était également illustré lors du match aller en marquant l'unique but de son équipe. A 26 ans, Azizi est alors au sommet de son art. Elu Joueur de l'Année de l'AFC quelques mois auparavant, l'Iranien vit sa première saison en Bundesliga sous les couleurs du FC Cologne. Retenu pour disputer la Coupe du Monde de la FIFA 1998, il sera de la victoire historique de l'Iran sur les Etats-Unis.

Entendu...

"Cela n'est pas forcément vrai dans les autres sports mais en football, vous pouvez dominer outrageusement et tout perdre en l'espace de quelques secondes" - Alex Tobin, capitaine de l'Australie

"Je me suis assis et j'ai prié. Je suis vraiment désolé pour les Australiens. Je pense à tous les enfants australiens qui jouent au football et qui doivent être vraiment tristes. Nos adversaires méritaient de l'emporter" -* Valdir Vieira, sélectionneur de l'Iran*

Et après ? L'Iran débute son parcours en France par une courte défaite 0:1 face à la Yougoslavie. Par la suite, la Melli remporte une victoire de prestige (2:1) devant les Etats-Unis, mais échoue à la troisième place de la poule après avoir été dominée par l'Allemagne (2:0).

Un mois plus tard, l'Australie se remet de sa déception en terminant à la deuxième place de la Coupe des Confédérations de la FIFA en Arabie Saoudite. Malheureusement, après avoir écarté l'Uruguay sur un but en or de Kewell en demi-finale, les Socceroos chutent lourdement contre le Brésil en finale (0:6). Pour retrouver la Coupe du Monde, ils attendront jusqu'en 2006.