samedi 23 juillet 2016, 06:24

Simoes très jeune dans la cour des plus grands

"Si tu as la qualité qu'il faut, tu as l'âge qu'il faut." Le dicton est bien connu dans le monde du football. Quant à le mettre en pratique, c'est une autre affaire, surtout dans un sport où la ligne de partage entre réussite et échec est souvent très fine. Le Portugal peut se vanter d'avoir eu dans son histoire plusieurs joueurs qui ont brillé dès un très jeune âge. Cristiano Ronaldo a fait ses débuts internationaux à 18 ans et plus récemment, Renato Sanches a joué un rôle crucial dans le sacre portugais à l'UEFA EURO 2016. Un autre exemple de joueurs ayant brillé à un très jeune âge remonte à il y a exactement un demi-siècle. Le joueur en question s'appelle Antonio Simoes.

L'ancien ailier de Benfica fait ses débuts internationaux contre le Brésil quelques mois avant de souffler ses 18 bougies et quelques jours après avoir remporté la Coupe d'Europe des Clubs Champions 1962 avec Benfica. Ce début de carrière fait qu'au moment de la Coupe du Monde de la FIFA, Angleterre 1966™, Simoes fait déjà figure de vieux briscard. À 22 ans, il est pourtant en 1966 le plus jeune joueur de l'effectif portugais.

"Ce match, ce jour et ce stade, tout cela était tout à fait particulier pour les joueurs portugais", se souvient Simoes au micro de FIFA.com, contre la Hongrie à Old Trafford. "Quand on joue en Angleterre dans un stade mythique comme Old Trafford, on se sent soudainement comme une personne importante."

Au moment d'aborder cette Coupe du Monde 1966, l'ailier portugais est déjà habitué aux matches à pression. Après le sacre de 1962, il a participé à deux autres finales de Coupe d'Europe. Mais la Coupe du Monde se situe à une échelle complètement différente. "C'est une responsabilité colossale de représenter son pays", poursuit Simoes en esquissant un sourire. "Tous les matches étaient montrés à la télévision, et les joueurs en étaient bien conscients. D'un côté, c'est un privilège de représenter des millions de personnes. Combien de personnes aimeraient être dans la même situation, sans jamais en avoir l'opportunité ?"

Pour les néophytes dans la compétition, la victoire 3:1 en guise de baptême du feu contre la Hongrie, une équipe qui avait l'habitude d'éclabousser de son talent la Coupe du Monde, est annonciatrice de bien belles choses à venir pour le Portugal. Ce succès sera suivi d'un autre, 3:0 face à la Bulgarie. Vient ensuite la dernière confrontation du Groupe 3 face au Brésil, double champion du monde en titre.

"Ils avaient des joueurs incroyables à l'époque", raconte Simoes à propos de ses adversaires lusophones. "Cette journée a été très spéciale, pas seulement en raison de notre victoire. Ce jour-là, grâce à ce match, les choses ont changé pour le football portugais. Quand j'y repense, je peux affirmer – sans arrogance, simplement par conviction – que nous méritions complètement notre victoire. Ce jour-là, la meilleure équipe a gagné."

Revenus de nulle part Simoes marque face à la Seleção, dans une partie remportée 3:1 par le Portugal, qui met de fait un terme aux espoirs brésiliens de s'adjuger une troisième couronne mondiale consécutive qui aurait été historique. Ce succès qualifie les Lusitaniens pour les quarts de finale, où ils ont rendez-vous avec la RDP Corée, dont c'est également la première participation à la Coupe du Monde. De leur côté, les Coréens ont eux aussi fait tomber un ancien champion du monde en battant l'Italie dans leur dernier match de groupe. De façon incroyable, les Coréens mènent 3:0 au bout de 25 minutes contre le Portugal.

"Aujourd'hui, il est tellement facile de dire : 'Je n'étais pas inquiet, je savais que nous allions gagner'. Mais ce serait n'importe quoi que de dire ça. Sur le moment, nous étions tous très inquiets. Trois à zéro ? C'était trop. Ils nous ont surpris par la qualité de leur jeu. Mentalement, nous n'étions pas prêts pour ça et c'était notre erreur", avoue-t-il. "Le sélectionneur a eu des mots très durs envers nous. Il nous a vraiment poussés à bout et a réussi à nous faire comprendre que nous ne pourrions pas retourner au Portugal après une défaite contre la Corée."

Arrive Eusebio. Le légendaire attaquant avait déjà réussi à réduire le score sur un doublé avant la pause. Au retour des vestiaires, il ajoute deux autres buts dans ce qui reste l'une des prestations individuelles les plus remarquables de toute l'histoire de la Coupe du Monde. Le Portugal s'impose et se qualifie pour une demi-finale contre l'Angleterre, hôte de la compétition. Dans cette confrontation, Simoes, Eusebio et compagnie paieront le prix de leurs efforts contre la RDP Corée et s'inclineront 2:1. Dans le match pour la troisième place, le Portugal bat l'Union Soviétique et Eusebio s'adjuge le Soulier d'Or, avec neuf buts en six matches. Selon son ami Simoes, tout cela est à mettre sur le compte d'un numéro 13 qui, une fois n'est pas coutume, a porté bonheur.

"Avant le tournoi, nous avons tiré au sort nos numéros de maillot", raconte Simoes. "J'avais l'habitude du numéro 11, mais c'est Eusebio qui l'a eu. Moi, je suis tombé sur le numéro 13, un numéro réputé pour porter malheur. J'ai alors proposé à Eusebio d'échanger nos maillots en lui disant que s'il jouait avec le numéro 13, il serait le meilleur buteur de cette Coupe du Monde et qu'après cela, plus personne ne penserait que le numéro 13 portait malheur. Pour tout un pays, ce numéro serait démystifié à jamais."

Communion entre rivaux D'abord sceptique, Eusebio a fini par accepter l'échange et la prophétie de Simoes concernant la Panthère noire s'est réalisée. "Eusebio était l'un des rois du football", se souvient Simoes avec une admiration évidente. "Quand vous le regardiez jouer, c'était toujours le talent à l'état pur. Sa façon d'aborder les matches, sa relation au football, tout cela était d'un niveau exceptionnel. Nous avons joué ensemble pendant 14 ans, ce qui représente près de 700 matches."

Cette amitié entre Simoes et Eusebio rejaillissait sur toute l'équipe, qui était composée notamment de sept joueurs de Benfica et de huit représentants du grand rival, le Sporting CP. Malgré cela, il n'y avait aucune inimitié dans le camp portugais.

"Même nos familles ont sympathisé", raconte Simoes au sujet des joueurs du Sporting qui ont porté le maillot portugais en 1966. "Je sortais pas mal avec Eusebio, Hilario et Jose Carlos. Ces deux derniers étaient des joueurs du Sporting ! Nous sortions en famille, avec femmes et enfants. Je pense qu'aujourd'hui, cela ne se fait presque plus, car les fans et les dirigeants des clubs ne fonctionnent plus de la même manière. Pour eux, l'adversaire est un ennemi. C'est un problème et je suis contre ça."

À plus de 70 ans, l'ancienne légende de Benfica n'a plus d'implication directe dans le football, mais parle toujours comme le footballeur et technicien très expérimenté qu'il a été, après avoir joué et entraîné aux États-Unis, au Portugal, et plus récemment en Iran, un pays qu'il a aidé à se qualifier pour la Coupe du Monde 2014, en collaboration avec son compatriote Carlos Queiroz.

"Je souhaite faire partager ma carrière, mon expérience et ma vie à tout le monde, à commencer par les jeunes. Je veux leur dire que le football est un sport magnifique, une passion, qui n'a rien à voir avec l'argent", conclut-il. Et quand Antonio Simoes parle, il faut l'écouter. Le premier jeune prodige du football portugais est une source privilégiée pour conseiller les footballeurs en herbe qui ont la volonté de foncer vers les sommets sans attendre.