mercredi 09 novembre 2016, 10:42

USA - Mexique, deux géants si près et si éloignés

"Nous avons besoin l'un de l'autre", confie à FIFA.com le gardien de but Tim Howard à propos de la bouillante rivalité entre les États-Unis et le Mexique. "Ce n'est pas de la haine, mais du respect mutuel. Nous progressons ensemble."

Les mots de l'ancien portier d'Everton sont empreints d'une grande sagesse. D'une énergie débordante sur le terrain, celui qui était de la première équipe américaine à faire tomber le rival mexicain dans son antre fétiche, l'Estadio Azteca, il y a cinq ans, sait aussi faire preuve de mesure. Il a parfaitement saisi les racines de cet antagonisme, où respect, histoire, animosité, prestige, proximité et ambition forment un cocktail explosif. "L'enjeu est tellement grand que nous ne nous faisons aucun cadeau", ajoute-t-il en pesant bien ses mots.

Un sentiment partagé par le sélectionneur américain Jürgen Klinsmann. "J'aimerais affronter le Mexique tous les jours", assure l'Allemand, qui aborde cette semaine son huitième Clasico depuis son arrivée à la tête des Stars and Stripes en 2011. "En termes d'intensité et d'émotion pour les supporters, cela se rapproche à mes yeux d'un Allemagne - Pays-Bas." Il n'a perdu qu'une seule fois face au Mexique, l'an dernier. Une défaite qui a coûté aux États-Unis un billet pour la Coupe des Confédérations de la FIFA 2017.

Les deux équipes s'affronteront pour la 67ème fois, ce vendredi 11 novembre, pour lancer en beauté les qualifications de la zone CONCACAF pour la Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™. L'affrontement aura lieu à Columbus, où les Américains ont pris l'habitude de dominer leur voisin lors des dernières campagnes qualificatives. Ils l'accueilleront ainsi dans l'Ohio pour la cinquième fois consécutive lors de l'Hexagonal et le bilan est jusqu'ici implacable : quatre victoires, toutes sur le même score fatidique de 2:0.

Débuts mexicains Ce que Klinsmann considère comme "l'une des plus grandes rivalités au monde" a vu pendant huit décennies son lot de coups bas, de mépris et de violence. Mais ce serait une injure de limiter à cela les affrontements entre les deux équipes. Leurs routes se sont croisées pour la première fois il y a 80 ans, à Rome, pour un match de qualification pour la Coupe du Monde 1934 remporté par les Américains. Un succès initial trompeur néanmoins tant les Mexicains ont initialement dominé les débats. Ils n'ont en effet pas perdu une seule de leurs 21 confrontations directes face aux USA de 1937 à 1980, pour un bilan de 18 victoires et trois nuls, 90 buts marqués et 20 encaissés.

Le soccer n'était à cette époque aux États-Unis qu'un sport de second plan et le football américain et le baseball régnaient en maîtres. Et alors que les enfants américains se lançaient un ballon ovale ou passaient des heures batte en main, ceux du Mexique jouaient dans les rues autour d'une balle ronde. Les deux pays ont beaucoup en commun, mais le football, pendant ce demi-siècle, était une chasse gardée mexicaine et une simple curiosité au nord du Rio Grande.

Tout a changé dans les années 1990. Le succès de la North American Soccer League, dans les années 1970, et l'arrivée aux États-Unis de joueurs de renom comme Pelé, Johan Cruyff, Franz Beckenbauer ou Eusebio, ont fini par porter leurs fruits. La Coupe du Monde 1994 a offert à la discipline une exposition sans commune mesure et la création de la Major League Soccer s'est avérée décisive. Forts d'un championnat professionnel structuré, les Américains étaient enfin prêts à rivaliser.

Le vent tourne Le rapport de force a évolué à partir de la dernière décennie du 20ème siècle. Les États-Unis se sont affirmés. Le Mexique s'est inquiété. Le doute a envahi les Mexicains, mis à l'index par leurs propres supporters, pas habitués à souffrir face aux voisins du nord. "Il y a eu des matches très durs", se souvient l'ancien international mexicain Zague, qui a connu quelques-uns des affrontements les plus âpres de l'histoire du Clasico. "J'ai été la cible de tacles très appuyés et je ne m'en suis jamais plaint car c'était la façon dont on jouait. Personne ne voulait perdre."

La rivalité a atteint son sommet lors de la Coupe du Monde 2002, un souvenir impérissable pour les supporters américains. Un cauchemar pour leurs homologues mexicains. Sur la pelouse de Jeonju, en Corée du Sud, les États-Unis ont battu leur rival 2:0 en huitième de finale. Le premier d'une longue série de 2:0. "Je n'oublierai jamais ce but", affirme le deuxième réalisateur de la soirée, Landon Donovan, symbole de la montée en puissance américaine. "C'était quand même quelque chose de contribuer à une victoire contre le Mexique en Coupe du Monde."

Éliminés, les Mexicains ont été contraints de se cacher pendant plus d'une semaine parmi les gratte-ciels de Séoul. Leurs supporters les attendaient de pied ferme au pays pour leur faire comprendre qu'ils n'étaient pas prêts à leur pardonner cet affront.

Car les matches entre le Mexique et les États-Unis dépassent le simple cadre sportif. L'odeur du gazon et le murmure de la foule renferment près de 100 ans d'histoire commune. Alors qu'un nouveau choc d'envergure attend les deux rivaux, il ne faut pas oublier que cette histoire n'est pas seulement synonyme d'agressivité ou de violence, ni même de buts ou de statistiques. C'est le récit de deux voisins qui ont davantage de points communs que ce qu'ils croient. La rage de vaincre est l'un d'entre eux.