jeudi 17 décembre 2020, 23:33

Xavi : "Quand on gagne la Coupe du Monde, on reste un champion à jamais"

  • Xavi évoque Qatar 2022, ses souvenirs d’Afrique du Sud 2010

  • Il vit et travaille dans le pays hôte de la Coupe du Monde 2022 depuis plusieurs années

  • "La culture du football se développe très rapidement au Qatar", assure-t-il

Xavi fait partie des plus grands milieux de terrain de l’ère moderne. Sous son impulsion, l’Espagne a régné pendant plusieurs années sur le football international : la Roja a ainsi remporté deux UEFA EUROS consécutifs, mais aussi et surtout la Coupe du Monde de la FIFA 2010™.

Xavi a réalisé l’essentiel de sa carrière au FC Barcelone. Une fois les crampons raccrochés, il s’est lancé dans une nouvelle aventure en devenant l'entraîneur d’Al Sadd, l’un des ténors du championnat du Qatar.

L’ancien international espagnol, qui réside depuis plusieurs années dans le pays hôte de la prochaine épreuve mondiale, nous livre son sentiment sur ce qu'il faut attendre de cette compétition, qui s’annonce exceptionnelle sur le terrain et en dehors. Il nous confie au passage quelques-uns de ses souvenirs d’Afrique du Sud 2010 et dresse sa liste des prétendants au titre suprême dans deux ans.

Xavi, qui sont les favoris de Qatar 2022 ?

Cette Coupe du Monde s’annonce passionnante et beaucoup d’équipes aborderont la compétition avec de solides ambitions. L’Espagne semble avoir retrouvé un niveau de jeu très intéressant, ces derniers mois. C’est donc avec un moral au beau fixe qu’elle devrait se lancer à la conquête de l’Euro et de la Coupe du Monde. Plusieurs pays européens possèdent de solides arguments. Dans ces conditions, difficile de désigner un favori. La France possède un effectif qui l’autorise à envisager de conserver son titre. On trouve beaucoup d’excellents joueurs dans cette équipe, à commencer par Kylian Mbappé et Antoine Griezmann, qui peuvent faire basculer un match sur une action.

L’Allemagne, l’Italie, la Belgique, le Portugal et la Croatie ont aussi des qualités impressionnantes. Je m’attends à ce que ces sélections soient très difficiles à battre. Il est encore trop tôt pour les écarter de la liste des candidats. Du côté de l’Amérique du Sud, le Brésil et l’Argentine viendront certainement pour gagner, comme à leur habitude. Ils peuvent tous les deux compter sur des joueurs d’expérience comme Neymar et Messi pour encadrer les plus jeunes. L’Uruguay, la Colombie et le Chili sont également capables de tenir tête aux meilleures équipes de la planète. Je pense que le tournoi sera assez ouvert.

Comment le Qatar se prépare-t-il à accueillir le tournoi ?

Je vis au Qatar depuis plusieurs années, de sorte que je suis bien placé pour témoigner des progrès accomplis ici. Le pays a réalisé de gros investissements dans ses infrastructures et ses stades, mais il a aussi accordé une grande attention au développement de son équipe nationale. Les dirigeants voulaient une sélection capable de faire bonne figure au plus haut niveau et de rivaliser avec les meilleurs. La nouvelle génération semble avoir franchi un palier important. Le Qatar a gagné la dernière Coupe d’Asie et il peut réussir des choses intéressantes en Coupe du Monde. La culture du football se développe très rapidement ici. La Coupe du Monde va permettre à la discipline d’entrer dans une autre dimension, non seulement au Qatar mais dans l’ensemble du monde arabe.

Que peuvent attendre les supporters qui feront le déplacement au Qatar en 2022 ?

Petit à petit, l’ambiance est en train de monter. Le pays a promis un spectacle exceptionnel à tous les amoureux du football. Quand je vois tout le chemin parcouru depuis mon arrivée en 2015, que ce soit au niveau des stades ou de l’hébergement, je suis certain que les supporters et les joueurs vont vivre un tournoi mémorable. Il suffit de se promener dans les rues de Doha et de parler avec les habitants pour se rendre compte qu'ils adorent le football. En arrivant ici, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je venais de quitter le Barça après 25 ans en Catalogne. J’appréhendais de me retrouver dans une autre partie du monde, avec une culture et des traditions très différentes de ce que je connaissais. Mais je dois admettre que je suis vite tombé sous le charme du Qatar. Le climat est extraordinaire : le soleil brille presque tous les jours. Les gens sont respectueux et amicaux, ce qui rend mon travail très agréable. La criminalité n’existe pratiquement pas ici, ce qui fait du Qatar un pays idéal lorsqu’on élève de jeunes enfants.

Les supporters vont adorer leur séjour. Les stades sont incroyables. Ils ont été construits pour offrir la meilleure expérience possible. L’ambiance en tribunes sera à la hauteur de l’événement. Entre les matches, les visiteurs vont pouvoir découvrir une région et une culture fantastiques. Il y a des hôtels somptueux près des plages, beaucoup de restaurants sympathiques, des centres commerciaux… Les supporters du monde entier pourront se retrouver dans les Fan Zones pour prendre un verre et profiter de l’ambiance. Bref, ceux qui viendront au Qatar en 2022 ne le regretteront pas.

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Revenons sur la victoire de l’Espagne en finale de la Coupe du Monde 2010. Quelles sont les caractéristiques qui ont permis à votre équipe de dominer la compétition ?

J’ai eu la chance d’appartenir à une génération exceptionnelle. Nous avons gagné la Coupe du Monde, mais aussi deux EUROS de suite. À chaque fois, nous avons pu nous appuyer sur un groupe de joueurs simples et honnêtes, qui n’avaient pas peur de se retrousser les manches pour s'entraider. Nous étions tous là pour servir le groupe. Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait pour le bien de l’équipe. Nous avons enchaîné les bons résultats, ce qui nous a permis d’aborder chaque match avec la certitude de pouvoir gagner. Nos entraîneurs ont aussi contribué à cette réussite. Luis Aragones a formé le noyau dur de l’équipe, puis Vicente del Bosque a poursuivi son travail. Il a eu le mérite de tirer le maximum des qualités dont nous disposions à l’époque. Cette génération avait énormément de talent et Del Bosque nous a donné la confiance nécessaire pour mettre en place un style de jeu qui nous a permis de dominer nos adversaires en proposant un football de qualité. C’est ce que les gens retiendront de cette période.

L’année 2020 marque le dixième anniversaire de la victoire de l’Espagne en Coupe du Monde. Quel est la première image qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on mentionne cette compétition ?

J’ai beaucoup d'images spectaculaires en tête ! Cette victoire remonte peut-être à dix ans, mais je m’en souviens comme si c’était hier. On ressent des choses incroyables quand on se rend compte qu'on est entré dans l’histoire. Je me rappelle parfaitement de notre joie, du bonheur de tenir le Trophée entre nos mains et de notre parade dans les rues de Madrid, dans un bus à impériale. Notre victoire a fait plaisir à énormément de monde en Espagne. C’est un souvenir que je garderai avec moi toute ma vie. Quand on gagne la Coupe du Monde, on reste un champion à jamais. Personne ne pourra nous enlever ce titre. Nous avons réalisé des choses extraordinaires. À chaque fois que je repense à ces moments, je ressens beaucoup de joie et de fierté.

Le match parfait n’existe pas, mais si vous deviez désigner le meilleur match de l’Espagne en Coupe du Monde 2010, lequel choisiriez-vous ?

Nous atteint notre apogée contre l’Allemagne, en demi-finale. Les Allemands avaient une philosophie de jeu similaire à la nôtre : ils cherchaient à contrôler la possession, à dominer et à attaquer. Nous étions très proches au niveau des intentions ce jour-là ; nous avons simplement mieux joué. Nous avons davantage souffert en finale car nous avons trouvé face à nous une équipe des Pays-Bas très agressive et rugueuse, qui ne nous a pas laissé développer notre jeu. À l’inverse, les Allemands ont essayé de nous battre à notre propre jeu mais, ce jour-là, nous étions les meilleurs.

Le jeu espagnol s’appuie sur la possession du ballon. Aujourd’hui, la puissance physique et la vitesse des transmissions occupent une place de plus en plus importante. Une équipe qui pratiquerait le même jeu que l’Espagne en 2010 pourrait-elle gagner la Coupe du Monde en 2022 ?

Je suis convaincu que l’équipe qui domine la possession de balle et qui attaque a plus de chances de l’emporter que l’équipe qui se contente de défendre. J’en suis convaincu car j’ai vécu toute ma vie de joueur selon ces principes, en suivant cette voie. Au bout du compte, l’équipe qui prend le jeu à son compte, qui tire le plus souvent, qui joue le plus près du but adverse est bien celle qui est la mieux placée pour s’imposer. Ce n’est évidemment pas une garantie, mais les statistiques plaident en sa faveur. Donc, oui, je pense qu’une équipe pourrait très bien gagner la Coupe du Monde 2022 en pratiquant un jeu basé sur la possession et des échanges rapides.

En football, il existe deux types d’entraîneurs : ceux qui veulent défendre et ceux qui veulent attaquer. Je n’ai pas besoin de dire dans quel camp je me place... En tant qu’entraîneur, je veux voir mon équipe prendre le ballon et attaquer. Je veux voir mes joueurs dans la moitié de terrain adverse. Je veux qu’ils mettent la pression sur l’équipe adverse afin qu’ils puissent garder le contrôle du ballon la majeure partie du temps. Beaucoup de choses se sont améliorées ces dernières années. On insiste sur la vitesse des transitions et l’impact physique des joueurs mais, au final, je reste persuadé que la victoire reviendra toujours à l’équipe la plus talentueuse et la plus juste techniquement.

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